23. März 2019
Quotidien Jurassien
Mosaïque de la Démocratie
Fragment no 113
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Pas d’égalité des voix pour l’élection du président US
La révision de la Constitution des USA est l’une des entreprises politiques les plus difficiles au monde. Depuis 1788, son année de naissance, 11'000 tentatives ont été dénombrées, mais seulement 27 succès. Seuls deux hommes l’ont même réussi deux fois. L’une d’eux, l’ancien sénateur démocrate Birch Bayh, est récemment décédé à 91 ans.
Pour modifier les termes de la Constitution américaine, il faut en faire plus que dans tous les autres États démocratiques du monde. Les deux tiers des députés n’y suffisent pas. Même pas la double majorité du peuple et des cantons comme en Suisse. Aux USA, il faut d’abord convaincre du changement deux tiers des membres de la Chambre des représentants et du Sénat, puis la majorité des parlementaires de trois quarts des 50 États membres. Le premier à avoir réussi ce triple tour de force plus d’une fois a été le quatrième président des États-Unis, James Madison (1751-1836). Celui-ci avait déjà fait partie de la Convention de Philadelphie, qui a rédigé la Constitution. Immédiatement après son entrée en vigueur, il a lancé dix propositions de changements adoptées sous le titre Bill of Rights (Déclaration des droits fondamentaux).
Le second, Birch Bayh (1928-2019) était un agriculteur démocrate de l’Indiana. Il n’a jamais été président des USA, mais sénateur pendant 18 ans, et peut-être le meilleur connaisseur de la constitution parmi les parlementaires américains depuis James Madison. Selon le professeur Jesse Wegman, rédacteur du New York Times à la Cour suprême, c’est à lui seul une «machine à réformer la Constitution». Dès son premier mandat, Bayh a fait passer la 25e révision de la Constitution (Amendment). Il déterminait la manière de régler la succession du président ou vice-président quand il meurt en fonction, se retire ou ne peut rester en place pour une autre raison. Quelques années plus tard, Bayh a aussi réalisé le 26e Amendment, par lequel la majorité électorale a été abaissée à 18 ans aux USA. Il a manqué de peu une troisième révision. L’article sur l’égalité des droits empêchant toute discrimination fondée sur le genre a certes été approuvé dès 1972 par deux tiers des deux Chambres à Washington, mais par 37 États seulement – un seul manque toujours.
Pourtant, personne n’a réussi à ce jour ce que Birch Bayh voulait avant tout changer, en instituant l’élection directe du président au suffrage universel. Pour cela, il convient de supprimer son élection indirecte et anachronique par le Collège électoral (grands électeurs). En 2016, ce procédé a conduit pour la cinquième fois dans l’histoire américaine à l’élection du candidat ayant réuni non le plus de voix, mais le plus de grands électeurs (sur 538). ---- [En 2016 une majorité de 54 % des électeurs ont voté contre Trump, mais il est devenu Président. Et Madame Clinton a obtenu 65.853.516 voix, Monsieur Trump 62.984.825, mais le dernier est devenu Président (statut actuel du 7 mai 2019; il y aura encore des changements en faveur de Mme Clinton). En 2000 48,4 % des électeurs ont voté pour le Démocrat Al Gore mais George W. Bush est devenu Président avec 47,9 % des voix. fk] ---- Ce décalage survient parce que les grands électeurs de chaque État représentent des quantités très variées de citoyens. Dans 48 des 50 États, ils donnent toujours leurs voix à celui qui a obtenu le plus de suffrages dans leur État, alors que le candidat arrivé deuxième reste bredouille. Birch Bayh: «Ce système est un vestige antidémocratique du 18e siècle; pour toute démocratie un mystère que nous devrions enfin abolir afin que chaque voix compte aussi pour l’élection de l’homme le plus puissant du monde, à égalité avec chaque autre voix!»
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Birch Bayh était un homme politique américain né le 22 janvier 1928 en Indiana et mort le 14 mars 2019 dans le Maryland. Il s’est formé dans une école universitaire d’agriculture et engagé au sein du parti démocrate. Il a été sénateur d’Indiana à Washington de 1962 à 1980.
«
L’élection indirecte du président américain par un Collège électoral n’est plus compatible avec les valeurs démocratiques des USA – si elle l’a jamais été. Les fondateurs voulaient exclure par là tous ceux qui n’étaient pas propriétaires terriens et hommes blancs. Mais tous les changements qui ont eu lieu dans ce domaine au cours des 200 ans écoulés – octroi du droit de vote aux femmes et aux Noirs, élection directe des sénateurs, institution du droit fondamental une personne = une voix - ont poussé le système dans une autre direction. (...) L’élection indirecte n’a d’ailleurs jamais servi à protéger les États membres dans notre système fédéral. Elle vient simplement d’un compromis entre ceux qui voulaient dès 1788 une élection directe par le peuple et ceux qui préféraient réserver ce droit au Parlement. (...) Remplacer le vote de grands électeurs par l’élection directe du président par tous les citoyens et citoyennes reviendrait à développer le droit de vote et d’égalité entre nous tous.
»
Extraits d’un discours tenu par Birch Bayh le 18 mai 1966 au Sénat US (résumé par Jesse Wegman dans le New York Times du 14 mars 2019) et d’un article du même auteur intitulé Les grands électeurs, mystère d’une société démocratique, paru au printemps 1977 dans le Valparaiso University Law Review.
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