22.7.2017

Quotidien Jurassien

Mosaïque de la Démocratie

Fragment no 35

Écarter les vrais radicaux du Conseil Fédéral?


Pour la plupart des Suisses, l’élection d’un conseiller fédéral constitue l’événement le plus intéressant qui se déroule sous la Coupole fédérale. La presse joue un rôle important dans cette désignation. Certaines pub­li­cations distillent subtilement des consignes, à lire entre les lignes à la veille du jour décisif. Rédaction la plus importante en Suisse depuis plus de 150 ans, la Neue Zürcher Zeitung (NZZ) a vu ses recommandations fines plutôt bien passer. Pour la majorité des parlementaires suisses, la NZZ joue le rôle que le curé ou le pasteur a eu dans les siècles passés pour les fidèles qui fréquentaient les lieux de culte chaque dimanche matin.

Depuis deux ans, la ligne éditoriale du journal zurichois a changé, dans sa forme et sa substance. Son caractère libéral affirmé a laissé place à une pensée unique très nationale-conservatrice et néolibérale. Pour la succession de Didier Burkhalter, qui interviendra en septembre, la NZZ a déclenché immédiatement après l’annonce du retrait du Neuchâtelois une campagne digne de la presse de boulevard, procédé qui a toujours indigné l’ancienne NZZ. La campagne s’est immédiatement fixée sur le nom du président du groupe PLR aux Chambres fédérale, dont le journal fait la promotion: Ignazio Cassis, conseiller national du Tessin, plus con­nu comme commis voyageurs bien payé des divers intérêts pécuniaires de l’industrie de la santé (caisses maladie, assurances privés, hôpitaux, pharma etc.).

La campagne nzzienne ressemble davantage à la ligne d’un parti fonda­men­ta­liste qu’à celle d’un quotidien qui se veut libéral: «La Suisse a be­soin d’un vrai gouvernement bourgeois». Message caché: le conseil fé­déral actuel est d’une manière générale (nota bene: un gouvernement dans lequel cinq des sept membres appartiennent aux trois partis bour­geois les plus forts en Suisse depuis cent ans) et le PLR Didier Burk­hal­ter personnellement, est trop social, ouvert, et engagé pour l’intérêt gé­né­ral et pas seulement pour les intérêts des privilégiés. Le but recherché par la NZZ est de remplacer l’équilibre traditionnel et l’ouverture du Gou­vernement suisse aux majorités variables par une hégémonie de la droite dure. Autrement dit, asseoir la droite dure et minoriser éter­nel­le­ment la gauche et le centre, écartés pour toujours de l’exécutif fédéral le ra­di­ca­lisme dans la tradition du vaudois Henri Druey (1799-1855), membre du premier collège gouvernemental fédéral de 1848, structure essentielle pour la construction de la Suisse moderne.

Henri Druey, enfant de la campagne vaudoise, avocat et journaliste avec une identité philosophique formé par l’Allemand Hegel comme les pre­miers socialistes français est devenue le politicien radical Suisse le plus important de la première moitié du 19ième siècle. Malgré être un des Con­seillers d’état (minoritaire) sortant il était le chef de la révolution vaud­oise du Février 1845 et reporté immédiatement à la tête du nouveau gouvernement cantonal.

Dans la nouvelle constitution vaudoise Druey n’a pas seulement introduit avec un instrument populaire cumulant le referendum et l‘initiative po­pu­lai­re la notion la plus avancé de la souveraineté populaire en Europe; il voulait aussi introduire l’idée que «l’état doit garantir le droit de vivre» en offrant «dans les Ateliers nationaux» du travail aux pauvres et aux chô­meurs. Druey argumentait: «Ainsi nous appliquerions réellement de l’évangile. Les pauvres, dans l‘évan­gile, ont en plus grand honneur qua a la Bourse ».

Ainsi Druey a fondé une notion du Radicalisme Romand qui a se servi de l’Etat pour adresser les besoins du peuple plus que défendre les intérêts des privilégies. Cette responsabilité sociale et cette compréhension de l’état comme serviteur de l’intérêt générale a marqué plusieurs géné­ra­tions des radicaux romandes fédéral jusque dans nos jours. De temps aux temps ils ont pu entrer, comme Jean-Pascal Delamuraz, Pascal Cou­chepin ou Didier Burhalter, même dans le Conseil fédéral – un acquis constitutive pour la Suisse moderne, qui la NZZ veut éviter une fois pour tout.

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Henri Druey (1799-1847), avocat et philosophe, membre du Grand Conseil Vaudois depuis 1828 et au Conseil d’État de 1831 – 1848,
tête de la révolution radicale et triomphante de 1845, père fondateur et membre du premier Conseil fédéral de la Confédération de 1848-1855:

«
Une bonne constitution garanti les libertés publiques, l’ordre et la tranquillité de l’État et une bonne administration, qui facilite le plus à l’homme le but qu’il doit se proposer d’attendre, c’est-à-dire l’avancement sociale (...) Chaque faculté physique et intellectuelle demande à être développée et c’est dans l’État, c’est-à-dire en société réglée et unie avec les autres hommes que cela se passe, puisque
l’homme ne peut rien seul.
»

Extraits des Pensées de Druey des années 1820, citées dans
Olivier Meuwly, La souveraineté populaire chez Henri Druey,
dans les actes du colloque du cercle démocratique à Lausanne de 2005,
publies dans la Bibliothèque Historique vaudoise, No 130, 2007.


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