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Le Quoditien Jurassien
Mosaïque de la Démocratie
Fragment 17
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Traces indiennes dans notre Constitution fédérale
Unité dans la diversité, c’est un des principes fondamentaux de la philosophie politique suisse. Sa forme d’organisation: le fédéralisme. C’est aussi au fédéralisme que le canton du Jura doit son existence. Elément-clé de la Suisse moderne, il est longtemps resté caché et ne s’est imposé qu’au dernier moment.
Les anciens et les nouveaux cantons pourraient-ils se rassembler, et comment? C’était la question essentielle après l’effondrement de la République helvétique û de force par les Français. Elle allait hanter et occuper de nombreux Confédérés pendant des dizaines d’années. Une faible union d’États était pour beaucoup insuffisante. Mais les conservateurs craignaient de perdre leur souveraineté cantonale.
Après l’échec des compromis envisagés en 1833, le réformiste radical lucernois Ignaz Paul Vital Troxler, a mis le paquet. «La patrie toute entière a besoin d’une réforme radicale», comme cela s’est fait dans certains cantons, écrivait-il. Troxler a présenté un projet de constitution pour la Confédération suisse. Son noyau révolutionnaire devait être l’État fédéral. La souveraineté du tout, de la nation, devait être exercée par deux chambres égales, avec les délégués des citoyens dans l’une et ceux représentant la souveraineté des cantons dans l’autre. Troxler, auquel s’est notamment associé le Jurassien Xavier Stockmar (1797-1864), a plaidé en 1834: «Dans l’intérêt de notre force envers l’extérieur et de notre liberté intérieure, nous aspirons à nous unir plus étroitement au sein de la Confédération, sans vouloir dissoudre les cantons.»
Mais les déclarations n’ont pas suffi. Il a encore fallu quatorze ans d’innombrables affrontements, parfois violents, pour que la vieille utopie de Troxler se réalise. En hiver 1847/48, il a dû la formuler dans une nouvelle brochure. Il l’a transmise à un membre pertinent de la commission, Melchior Diethelm, son ancien élève de Lucerne, qui représentait Schwytz. Ce dernier a dû convaincre un collègue du centre radical, le Soleurois Josef Munzinger (1791-1855), futur conseiller fédéral, pour que le miracle arrive finalement le 23 mars 1848: 17 des 23 membres de la commission ont approuvé le principe fédéraliste, le compromis était trouvé, l’État fédéral pouvait naître.
En 1832 comme en 1848, Troxler a toujours affirmé qu’il tenait son idée de l’Amérique du Nord et de la constitution fédérale en vigueur là-bas, selon lui «un chef d’œuvre de la raison humaine».
Ce qu’il ne pouvait pas savoir, c’est ce que des historiens américains ont pu prouver depuis lors: les pères de la constitution américaine ont pour leur part trouvé l’inspiration fédéraliste dans la Confédération iroquoise, qui réunissait cinq nations amérindiennes depuis le XIVe siècle: les Tsonnontouans, les Goyogouins, les Onontagués, les Onneiouts et les Agniers du Nord de l’État de New York.
Benjamin Franklin (1706-1790), grand-père de la constitution, a tout spécialement transposé les expériences des iroquoises dans la Convention Constitutionnelle de 1787. Le délégué de Pennsylvanie soutenait cette idée en disant que «les Britanniques ne nous proposent aucun modèle». Son collègue de Caroline du Sud ajoutait: «Chez les Européens, nous ne trouvons pas de voie non plus pour rendre les gens capables de se gouverner eux-mêmes.»
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Ignaz Paul Vital Troxler, né en 1780 à Beromünster (LU), mort en 1866 à Aarau, fut médecin, philosophe, professeur et politicien radical réformiste, promoteur de l’État fédéral helvétique.
«L’État fédéral est la forme la plus spécifique, la plus libre et la plus achevée de la république fédérative. Cette idée se trouve aussi à la base de la Confédération suisse. Sa nature et son contenu ont été affinés et façonnés par les délibérations longues et réfléchies de grands et nobles esprits du système politique des États-Unis d’Amérique du Nord.»
Extraits de la préface du texte de Troxler La constitution des États-Unis d’Amérique du Nord de 1848, cités dans L’homme aux qualités (Der Mann mit Eigenschaften), biographie de l’auteur par Daniel Furrer, éditions NZZ, Zurich 2010.
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