26. Nov. 2016

Le quoditien Jurassien

Mosaïque de la démocratie

Fragment 4

La démocratie à la recherche
d'une nouvelle patrie



Les Jurassiennes et les Jurassiens savent que la démocratie a besoin de grandeur pour tenir ses promesses. Ils ont dû conquérir leur indépen­dance et construire le canton du Jura pour réaliser et vivre leur liberté.

Mais la démocratie contient une autre promesse, souvent oubliée. De­puis la Révolution française, elle promet aussi une distribution équilibrée des chances. Elle a su se donner des moyens pour chercher cet équi­libre. Au XIXe siècle, les instruments de l’Etat-nation visent à civiliser le marché essentiellement à l’intérieur des frontières nationales. Les lois basées sur la légitimité démocratique contraignent les forces écono­mi­ques à partager leurs profits, à respecter les besoins des plus défavo­risés, à servir l’intérêt de tous et pas seulement des privilégiés.

Aujourd’hui, ces espoirs d’une vie meilleure sont mis à mal comme ja­mais. A l’intérieur des Etats comme à l’extérieur. La cause: l’Etat-nation est devenu trop petit pour faire face à la mondialisation de l’économie. Le primat du politique, principe d’or de la démocratie, a été remplacé par le pouvoir absolu des marchés et de l’économie libérale. Depuis 25 ans, le rôle de l’Etat et de la démocratie consiste, selon le sociologue allemand Wolfgang Steeck, à «se soumettre autant que possible aux besoins éco­no­miques et à adapter constamment l’ordre social et le droit aux exigen­ces de la compétition économique et de l’accumulation de capital.»

C’est la raison pour laquelle les démocrates dans le canton du Jura et au-delà sont conscients que la démocratie a besoin d’une Europe qui compense ce que l’Etat-nation a perdu: la volonté et la capacité à réa­li­ser la volonté générale et civiliser les marchés, à les faire partager leurs richesses entre tous les Européens et pas seulement entre actionnaires ou privilégiés. Pour cela, l’Europe a besoin d’une rénovation totale de sa base, de ses institutions et de ses priorités.

La démo­cratie a besoin de l’Europe comme l’Europe a besoin de la dé­mo­cratie. Il faut retrouver ses bases historiques, personnifiées par des personnalités européennes comme le Neuchâtelois Denis de Rougemont qui, dans les années 1940 déjà, a essayé de fonder l’intégration europé­enne sur une démocratie transnationale, ancrée dans une Constitution fédérale européenne. La mondialisation de l’économie soutient le dis­cours que Denis de Rougemont a développé pour construire la paix: il appelait à édifier une nouvelle souveraineté transnationale et de ne pas «défendre une souveraineté nationale que l’on a perdue depuis longtemps».


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Jürgen Habermas

Philosophe allemand de l’Ecole de Francfort né en 1929 à Düsseldorf. Selon lui, pour sauver la démocratie, il faut l’organiser à un niveau transnational.

«Seul un Etat démocratique digne de ce nom peut concilier l’essor capitaliste et une participation relativement juste de la population à la croissance économique du pays. (...) Nous devons élaborer et instituer une collaboration démocratique par-dessus les frontières nationales, une Constitution européenne.»

Jürgen Habermas dans Blätter für deutsche und internationale Politik (novembre 2016)



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