19. Nov. 2016
Le Quoditien jurassien
La mosaïque de la démocratie
Fragment 3
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Le Brexit, un signe de crise de la démocratie
Par Andreas Gross
Une chose lie aujourd’hui clairement les Britanniques aux autres Européens: Le débat sur le caractère démocratique du Brexit, la décision prise le 23 juin par une nette majorité de citoyens et citoyennes de Grande-Bretagne de quitter l’Union européenne (UE).
Pour les uns, le Brexit était le sommet de la démocratie: une décision populaire, une majorité claire, l’expression d’une volonté évidente, le fruit d’un affrontement acharné de plusieurs semaines. Absolument démocratique.
Pour les autres, le Brexit exprime une caricature de démocratie, l’apparition d’une post-démocratie annoncée par quelques scientifiques résignés. Ils signalent le caractère plébiscitaire du Brexit. Cela ne saurait être assimilé à la démocratie directe. Dans cette dernière, la constitution prévoit quand le peuple décide. Il s’agit toujours d’une loi ou d’une modification de la constitution. Dans un plébiscite, le président ou le chef du gouvernement prescrit arbitrairement une décision populaire. Il formule lui-même la question – non sans arrière-pensées politiques qui n’ont généralement aucun rapport avec le sujet. La démocratie directe accroît les moyens d’action directs des citoyens – le plébiscite accroît les pouvoirs du dirigeant; la première étend la démocratie, le second renforce la hiérarchie et le pouvoir.
La démocratie et le plébiscite ont en commun la décision populaire – tout comme l’arrêt du train est le résultat commun d’un freinage de secours et d’une halte ordinaire. Mais avec des effets secondaires différents: après le freinage de secours, beaucoup de passagers tombent, les bagages leur tombent dessus et font des blessés, les assiettes volent des tables du wagon restaurant, personne ne peut rester tranquille – alors que lors d’un arrêt usuel, tous sont indemnes, descendent calmement ou restent assis pour continuer leur voyage.
Dans le tumulte que le Brexit a causé en Grande-Bretagne, le jeune écrivain et étudiant Damiano Sogaro va encore plus loin. Il met en cause le droit de majorités populaires de prendre de telles décisions. Car à son avis, les majorités populaires sont toujours 'tyranniques'. Comment tous ceux qui travaillent huit heures par jour peuvent-ils acquérir les compétences politiques nécessaires, demande Sogaro. Il a écrit dernièrement dans le journal en ligne Huffington Post: «Des majorités ont toujours approuvé l’esclavage, le racisme et le sexisme. Nous devons admettre que le 51 % n’est plus le chiffre magique pour la prise de décision.» Conclusion de Sogaro: le Brexit et toutes les décisions majoritaires sont antidémocratiques.
Notre avis: pour que les décisions soient aussi acceptées par les perdants, la mosaïque de la démocratie exige davantage de pièces que la majorité, un plébiscite ou un affrontement acharné.
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Marie Jean Condorcet (1743-1793)
«Le respect des lois ne doit pas reposer sur la peur mais bien sur la confiance en la raison commune. Cette confiance, à son tour, se fonde sur la probabilité que ces lois seront conformes à vérité. Objet d’une délibération individuelle puis collégiale et acceptée par le biais d’un vote majoritaire, une loi est la figure provisoire du vrai. La loi repose sur un motif de croire tourner vers l’intérêt générale et non sur l’intérêt particulier; la raison y détermine un enjeu universel (…) Cependant, elle procède d une raison commune perfectible: je dois donc pouvoir la contester si mes motifs sont fondées; il doit donc exister des moyens légaux d’obtenir la réforme des mauvaises lois. Le risque d’insurrection et de violence d’éloigne ainsi!»
Selon Politique de Condorcet présenté par Charles Coutel, Petit Bibliothèque Payot/Classique, Paris 1996
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