28.09.2002
Journal du Jura Rubrique Districts
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Quelle contribution suisse pour la paix?
Par Blaise Droz
Afin de rendre le plus bel hommage possible à Albert Gobat et Elie Ducommun, les organisateurs de la soirée ont convié trois fortes personnalités à débattre du rôle de la Suisse pour la paix dans le monde.
Premier intervenant, le conseiller aux Etats tessinois Dick Marti a rappelé l'exemple que la Suisse représente par son fédéralisme "une idée géniale" et son plurilinguisme. "Notre système n'est certes pas exportable tel quel mais il est un modèle fort et une contribution pour la paix.
"Nous avons par contre perdu une très grande occasion de faire valoir le point de vue de la paix en refusant le fond Suisse solidaire." Plus généralement, "à l'heure où un vent glacial souffle sur l'Amérique et l'Europe", Dick Marti croit que la politique est en train de perdre une dimension morale tant il est vrai que l'on se préoccupe majoritairement d'économie!
Andreas Gross, conseiller national zurichois qui fut cofondateur du mouvement pour une Suisse sans armée en 1981, estime que "la paix a besoin de plus de ressources, ce que nous pouvons contribuer à lui donner. Il faut offrir à chaque humain une chance de vie permettant de réaliser de légitimes objectifs. Le membre de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe a poursuivi son plaidoyer en exhortant les Suisses à s'offrir l'utopie de devenir un laboratoire pour la fabrication d'idées à l'image de ce que voulait Albert Gobat. "De plus, estime-t-il, si l'on veut sauver la démocratie, il faut la transnationaliser. Alors que l'économie est mondiale, la démocratie reste nationale donc affaiblie. Ne soyons pas contre la mondialisation, mais au contraire globalisons également la politique et la démocratie!" A son tour, Jean-Daniel Gerber, directeur de l'Office fédéral des réfugiés et enfant de Tramelan où il a passé six années de sa jeunesse, estime que la recherche de la paix n'est pas qu'une conception théorique mais qu'on la vit quotidiennement. Lui plus que d'autres évidemment, puisqu'il est durement confronté au problème des réfugiés et autres gens déplacés. "Ils sont vingt millions dans le monde, rappela-t-il! Leur accorder une protection est une tâche énorme et en cela l'ODR prend une part active à la recherche de la paix dans le monde.
Jean-Daniel Gerber ne manqua pas de soulever le problème des Roms qui affluent actuellement en Suisse. "La Roumanie est un pays déclaré sûr mais quel avenir économique offre-t-il à ses ressortissants? Cette question comme tant d'autres est déterminante lorsque nous devons décider de renvoyer ou non des familles. Un vrai casse-tête que ne résoudra pas de manière humaine l'initiative de l'UDC voulant renvoyer les réfugiés sans grand discernement. Et pourtant estime-il non sans pessimisme, cette initiative risque de passer devant le peuple." Ceux qui recherchent la paix doivent-ils baisser les bras?
Loin de nourrir de telles pensées, il rappela que depuis 1902, l'année du Prix Nobel d'Albert Gobat, deux guerres mondiales ont endeuillé le monde. "L'engagement de Gobat a-t-il pour autant été un échec? Je ne le crois pas et préfère me demander ce que serait aujourd'hui le monde si de tels efforts n'existaient pas." La modératrice, Jacqueline Henri-Bédat a ensuite demandé aux débatteurs si à leurs yeux le monde est plus ou moins sûr depuis l'effondrement du camp soviétique.
"Non, assure Dick Marti, nous avons été totalement déstabilisés. Sur le plan suisse, nous devons de plus lutter contre une tendance politique forte faite d'un complexe de supériorité et d'une volonté de repli sur soi." Quant à la situation internationale, elle est déstabilisée par la présence d'une superpuissance unique. La volonté actuelle des Etats-Unis de négocier des accords internationaux pour empêcher que soient livrés à la Cour pénale internationale d'éventuels criminels de guerre américains préoccupe le socialiste tessinois. "Mais la Suisse a été l'un des premiers pays à répondre non à la superpuissance mondiale et c'est là la Suisse que j'aime et dans laquelle je me reconnais!", conclut-il.
La parole a encore été donnée à deux invités surprise, Colin Arscher, le secrétaire général du Bureau international de la Paix et Verdiana Grossi professeur à l'Université de Genève. Le premier nommé se fit un plaisir de préciser que ce samedi même, il s'envolera pour Athènes où il débattra de l'instauration éventuelle d'une trêve olympique pendant les jeux. Ce ne serait qu'un symbole, mais un symbole fort!
Andreas Gross
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