1 septembre 2018
Quotidien Jurassien
Mosaïque de la Démocratie
Fragment no 88
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Il faut empêcher les manipulations
des élections et votations
«Il n’y aura plus jamais d’élections sans tentative de les manipuler.» Jannis Brühl, journaliste et spécialiste du domaine, avertit d’un risque qui n’a pas encore été reconnu en Suisse. Pourtant, il est vraisemblable que des manipulations de la démocratie suisse se produiront. Chez nous, le danger est particulièrement grand: l’information des citoyens et la formation de l’opinion publique ne se font pas tous les quatre ans pour les élections mais trois à quatre fois par année lors des scrutins populaires. Quant aux élections fédérales, elles auront lieu l’année prochaine mais personne ne se préoccupe de prévenir les tentatives de manipuler l’opinion, des thèmes pourtant débattus depuis longtemps aux États-Unis et dans l’Union européenne.
Ce qui s’est passé durant la dernière élection présidentielle américaine est frappant. Les fausses nouvelles transmises via Facebook, Google et Twitter ont davantage attiré l’attention que les nouvelles provenant de sources sérieuses. Il faut relever le fait que des messages publicitaires peuvent être adressés sur demande entièrement automatiquement à des groupes précis de personnes, sans qu’aucun citoyen responsable ne puisse en prendre connaissance et émettre un jugement à leur sujet. Cette forme de manipulation de la communication s’est révélée particulièrement efficace.
C’est pourquoi le législateur doit s’attacher à réguler la publicité électronique durant les campagnes électorales et les votations. La transparence doit s’imposer. Chaque citoyen doit pouvoir savoir qui adresse de la publicité électronique et avec quels moyens financiers des messages politiques sont adressés à certains groupes de personnes. Le plus simple serait d’obliger tous les donneurs d’ordres à remettre leurs messages à la Confédération pour qu’ils apparaissent sur un site internet administré par la Chancellerie fédérale. Tout message publicitaire politique serait ainsi public, et l’on donnerait la possibilité d’y répondre. Cela donnerait aussi un éclairage particulier sur les messages politiques passant par d’autres moyens de diffusion (annonces dans les journaux, affiches, courriels publicitaires). On ne peut évaluer la qualité d’un message que si l’on sait qui l’a envoyé. Cela est valable aussi bien pour la propagande classique que les messages électroniques. Ces éléments devraient figurer dans des lois sur la publicité à caractère politique tant au niveau de la Confédération que des cantons. Ou alors préférons-nous que surgisse chez nous un scandale semblable à ce qui s’est produit aux États-Unis?
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Jannis Brühl est né à Nuremberg en 1979. Il a étudié les sciences politiques et les institutions américaines à Erlangen (Allemagne) et à Portland (Oregon/États-Unis). Devenu journaliste, il dirige aujourd'hui le ressort électronique de la Süddeutsche Zeitung de Munich, l’un des deux grands quotidiens allemands.
«
On doit abandonner l’illusion qu’il n’y aura plus jamais d’élections sans tentative de les manipuler. La démocratie se déplace aussi sur Facebook et les autres réseaux sociaux, sur lesquels se dérouleront de plus en plus les combats politiques sous un camouflage particulier. (...) C’est le devoir des politiciens d’assurer l’intégrité de la démocratie sur le plan électronique et de protéger les citoyens de la désinformation de masse. (...) Le système d’annonces publicitaires de Facebook est sa machine à faire de l’argent et son point faible. Il permet de joindre des citoyens selon leurs intérêts et leur lieu de domicile et de leur remettre de la propagande politique de manière anonyme. (...) Il n’y a encore aucune prescription sur la transparence dans ce domaine. Chaque citoyen doit avoir le droit de consulter toute annonce politique. Il devrait connaître le commanditaire, les coûts et la destination de ces annonces.
»
Extrait de l’article intitulé Danger de manipulation de Jannis Brühl dans la Süddeutsche Zeitung du 23 août 2018.
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