28. Jan. 2017

Le Quoditien Jurassien

La mosaïque de la Démocratie

(Fragment 12)

L’enthousiasme comme fruit de l’engagement


Rien ne va de soi en politique. Même pas la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789. Au début du mois de mai 1789, les 1200 délégués français ont commencé à se réunir aux états géné­raux de Versailles avec leurs volumineux cahiers de doléances – une première depuis 1614. Ces cahiers relataient tant la misère de centaines de milliers de paysans que la dignité humaine bafouée ou les droits des hommes libres et éclairés.

Au début d’août 1789, deux semaines après la prise de la Bastille à Pa­ris, on discutait encore à Versailles de l’opportunité d’une telle déclara­tion pour ouvrir une nouvelle constitution. Comme toujours, les uns la jugeaient inutile, les autres doutaient que ce soit le bon moment, un troisième groupe voulait absolument que la déclaration ouvre la nouvelle constitution et jette ainsi les bases d’une révolution, d’un nouvel état et d’un ordre social entièrement neuf.

C’est ce qui est arrivé. Un comité de 40 délégués a préparé un projet. L’Assemblée nationale y a ensuite consacré six jours de débats parfois tumultueux. Après avoir approuvé 17 articles, les délégués, épuisés, ont décidé le 27 août de suspendre leurs travaux jusqu’à la rédaction d’une nouvelle constitution – une interruption qui se révèlera finalement définitive.

Ainsi a été adopté «d’une manière douteuse» (selon l’historienne amé­ri­caine des droits humains Lynn Hunt) un document qui devait changer le monde. «En proclamant la liberté, l’égalité et la souveraineté populaire, la Déclaration constitue l’acte de décès de l’Ancien Régime, détruit par la Révolution», a écrit l’historien français Georges Lefebvre.

Cet événement a déclenché d’énormes réactions à l’échelle mondiale. Le politologue italien Norberto Bobbio a été frappé par la fréquence du mot enthousiasme, même dans les réactions les plus éminentes – une notion très déplaisante pour Voltaire, le rationaliste. Alexis de Tocqueville a dé­crit pour sa part un «emps de jeunesse, d’enthousiasme, de fierté, de passions généreuses et sincères dont, malgré ses erreurs, les hommes conserveront éternellement la mémoire (...).»

Même Immanuel Kant a évoqué «une participation d’aspirations qui frise l’enthousiasme», déclenchée dans le monde entier par la Déclaration des Droits de l’homme. De plus, Kant a défini l’enthousiasme comme «la par­ticipation passionnée au bien» et l’a attribué au «droit que possède un peuple de ne pas être empêché par des forces extérieures de se donner une constitution civile qu’il croit bonne». Cent-cinquante ans plus tard, Hannah Arendt a parlé de manière très semblable du «bonheur» extra­ordinaire dont jouissent ceux qui parviennent, grâce à leur engagement commun, à changer la situation politique vers le bien.

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Immanuel Kant (1724 – 1804), philosophe allemand, qui a vécu
toute sa vie à Königsberg, capitale de la Prusse Orientale, au bord
de la mer baltique (aujourd’hui l’enclave russe de Kaliningrad) est un
des plus grands philosophes des Lumières et des temps modernes.
Sa définition de la liberté est aussi classique qu’oubliée:

«La liberté de droit (...) est l’autorisation de n’obéir à aucune loi extérieure que celles auxquelles j’ai pu donner mon assentiment.»

(Extrait du petit, mais fameux essai Paix perpétuelle de 1795,
BNF Gallica Bibliothèque numérique)





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