21. Jan. 2017

Le Quoditien Jurassien

Mosaïque de la démocratie

(Fragment 11)

Cela dépend de nous!


Hier, le 45ème président des États-Unis a pris ses fonctions, huit semai­nes après son élection. Une élection démocratique, notons-le bien. Dé­mocratique? Oui, aussi démocratique que le prévoient les règles en vigueur là-bas. Mais quel état de la démocratie révèle l’élection d’un président Donald Trump?

Ces questions ne préoccupent pas seulement nombre de Jurassiens et Jurassiennes. L’intellectuel britannique David Runciman s’est interrogé sur la nature de la démocratie à l’époque du président Trump. Sa répon­se est aussi subtile que complexe. Selon Runciman, les électeurs de Trump, souvent fâchés, ont voulu secouer un système politique honni, mais simultanément bien trop fort, dans leur esprit, pour que Trump puisse y faire de gros dégâts.

Le professeur britannique a été vite contredit aux USA. Ainsi Mike Lof­gren, pendant des décennies un collaborateur au secrétariat du Congrès américain, a écrit (Alternet du 11 janvier) que Trump pourrait très bien incarner quelque chose comme la fin de la démocratie. Mais ce que Runciman ignore complètement, selon Lofgren, c’est la peur qui anime des millions de personnes face au terrorisme aujourd’hui présent partout dans le monde. «La peur du terrorisme a modifié la relation entre sécurité et liberté dans nos démocraties», estime Lofgren; «un démagogue autori­taire réponds mieux de cette sécurité à laquelle beaucoup aspirent.»

Pour le 44ème président des USA, l’investiture de son successeur aura même constitué une «marque de la démocratie», le «transfert pacifique du pouvoir de l’un à l’autre», aussi différents qu’ils soient. Et, parce que Barack Obama connaît et apprécie aussi la mosaïque de la démocratie du QJ, il a concentré il y a dix jours son discours d’adieux sur l’etat de notre démocratie, tentant d’énumérer ses composantes; il a ainsi donné sa part à notre mosaïque:

•    La démocratie a besoin de la solidarité; l’idée de base, c’est que nous sommes tous dépendants les uns des autres et que nous devons répondre des autres malgré toutes nos différences;

•    La démocratie ne peut pas fonctionner lorsque chaque homme n’a pas la chance de s’épanouir et d’obtenir un revenu de son travail;

•    L’inégalité extrême dans la répartition actuelle des chances de la vie anéantit les fondements de la démocratie;

•    Si nous n’investissons pas dans l’éducation des enfants d’immi­grants, simplement parce qu’ils paraissent autrement, nous diminuerons les perspectives de nos propres enfants – parce que les premiers re­pré­sen­teront dans l’avenir la majorité de notre main-d’œuvre;

•    La politique est une bataille d’idées; mais sans une volonté d’ad­met­tre de nouvelles informations, et de reconnaître que notre adversaire a parfois raison, nous poursuivrons un dialogue de sourds, rendant le terrain d’entente et le compromis impossibles;

•    La démocratie est menacée chaque fois que nous la prenons pour acquise. Elle ne fonctionne pas toute seule, mais elle a besoin de chacun de nous;

•    Le peur détruit la démocratie.

Obama: «Mon dernier vœu de président: croyez en vos propres ca­pa­ci­tés, parlez avec vos voisins, organisez-vous, récoltez des signatures, participez, ainsi vous pourrez tout changer!»

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David Runciman, né en 1967 à Newcastle, est politologue et professeur à l’Université de Cambridge (GB), où il dirige le Département de politique et des études internationales (POLIS):

«La violence vraiment destructrice de la société américaine a lieu au- dessous de la surface. Elle passe souvent inaperçue, excepté pour ses victimes. C’est la violence d’un système d’emprisonnement qui prive de liberté une grande partie des jeunes adultes, surtout des Noirs. C’est la violence épidémique que des Blancs infligent à d’autres Blancs et qui a coûté la vie à près de 100'000 personnes depuis 1999. Ces décès résultent de la violence que les gens se font à eux-mêmes, par le suicide et l’excès de drogue ou d’alcool. Ils touchent surtout des Blancs des régions qui ont voté en majorité pour Trump en novembre dernier: le Sud, les Appalaches, la Rust Belt (ceinture de la rouille). Les habitants de ces régions préfèrent se supprimer eux-mêmes que de tuer d’autres gens, et meurent plus jeunes que leurs parents – cette tendance est unique pour un pays développé.»

(Tiré de l’article La démocratie finit-elle comme cela? de David Runciman, publié le 1er décembre 2016 dans la London Review of Book; il est l’auteur du livre The confidence trap, A history of Democracy in Crisis from World War I to Present, Princeton, 2013).





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