13. Dez. 2011
La Regione
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Pourquoi un Conseil fédéral sans UDC?
Interview d’Edy Bernasconi, la Regione di Bellinzona
La formule magique est morte. Avec la formule magique, c'est la concordance qui n'existe plus. La cause principale est liée à l'attitude de l'UDC. Pouvons-nous imaginer un gouvernement sans l'UDC? Est-il possible de penser à un Conseil fédéral dans lequel le plus grand parti suisse ne serait pas représenté?
La Concordance existait et existe comme un élément central du système de gouvernance en Suisse. Un élément que l’on peut comprendre comme une mentalité et une attitude de tous ceux qui participent à un exécutif, mais qui va loin au-delà du gouvernement. Un élément qui est le frère d'un autre élément du système de gouvernance en Suisse, complémentaire à la concordance ancrée dans la constitution: la collégialité. La collégialité veut dire que le gouvernement gouverne comme collectif, comme des égaux (pas des ego!), dans lequel il faut s’entendre, se rencontrer.
La Suisse a toujours été gouvernée en concordance, même entre 1848 et 1891. Dans ce temps, tous les conseillers fédéraux étaient membres du même parti, le parti radical, mais pas de la même tendance; c’était plus une grande famille diverse, rassemblée autour d’un projet commun: un état laïque, fédéraliste, démocratique, moteur d’une économie de marché forte. Ce projet constitue la substance matérielle de cette concordance. Accepter et l’incarner a été une condition pour tous ceux qui voulaient entrer dans le Conseil fédéral depuis que le parti radical avait perdu son hégémonie dans la Confédération: les Catholiques Conservateurs (1891) ont dû accepter la laïcité et la multi culturalité de ce projet suisse, les agraires (1929) le marché libéral, les socialistes la défense nationale (1943). C'est l'aspect qualitatif ou substantiel ou politique qui est nié par tous ceux qui par des intérêts partisans et de politique politicienne veulent réduire la concordance à l’aspect quantitatif. Aujourd’hui on peut définir cet aspect substantiel de la concordance comme un bouquet de principes qui englobent les droits humains, la volonté de s'intégrer dans la communauté internationale, la reconnaissance de l’unité dans la diversité et le respect pour l’autre dont on a besoin pour s’approcher de la vérité. Cela est le contraire d’une attitude totalitaire qui exclu tous ceux qui ne partage pas son propre point de vue («ceux qui ne votent pas UDC ne sont pas des Suisses»), d‘une attitude prétentieuse qui pense qu’un parti peut déjà représenter le tout et qui dénigre tous les autres partis comme les Cours ou les Institutions internationales.
Le blochérisme qui a marqué l'UDC des dernières 20 années incarnait presque l'anti-concordance et se disqualifiait pour un gouvernement concordant et collégial. Le blochérisme n'a pas tué la concordance, mais il s’est disqualifié lui-même pour un tel système.
De plus dans un moment difficile de l’histoire de l’humanité où nous sommes confrontés à d’énormes défis écologiques, économiques, démocratiques et transnationaux, la Suisse ne peut se permettre un gouvernement dans lequel on mélange l’eau et le feu qui se neutralisent et produisent de la vapeur chaude, mais ne proposent pas des changements sages et dans l'intérêt de tous. Dans une telle situation, un gouvernement qui se distance du blochérisme est une chance: a seule condition pour son succès est que ces propositions trouvent des majorités dans l'Assemblée fédérale et chez le peuple et les cantons. Et c’est tout à fait possible.
Quelles peuvent être les bases d'une nouvelle petite concordance'? Sur quels thèmes peut-on imaginer de construire un consensus minimal?
La base ce sont les partis du nouveau centre, c’est-à-dire le BDP, les Verts’libéraux – les grands vainqueurs des élections – avec le PDC, le PS et les Verts, enrichis par ceux, libéraux et radicaux, qui sont conscients que le blochérisme a aussi dénigré des valeurs bourgeoises - la force du radicalisme historique était qu'il incarne le juste milieu du peuple et pas les anciens et les nouveaux riches. Les valeurs républicaines qui constituent la concordance sont, comme je l’ai développé, plus fondamentales que des projets programmatiques de court et moyens termes. Mais on pourrait enrichir la concordance par des projets programmatiques communs comme la sortie du nucléaire, le renforcement de l‘acquis social, la démocratisation de la démocratie directe et l’intégration européenne.
Quelles sont les forces politiques qui pourraient être les acteurs d'une telle solution dans le contexte politique actuel?
Tous ceux que j'ai déjà énuméré et les libéraux- radicaux qui aimeraient quitter l'ombre destructrice de l'UDC blochérienne. C’est-à-dire un spectre des partis qui va de la gauche jusqu’au centre droit, c’est-à-dire une entité diverse, l'essence d’une concordance, mais qui s'entend et se respecte sur des valeurs profondes et se met d’accord sur des projets communs pour la législature 2011-15. On se retrouve sur un programme de gouvernement commun. Celui-ci n'est pas si détaillé qu’un programme d’une coalition comme chez nos voisins, mais il maintient une diversité qui nécessite un débat permanent tout en s’enrichissant par cela – ce qui va être la clé du succès de cette nouvelle forme de petite concordance de qualité, plus performant que la grande concordance qui s’est “immobilisée“, même paralysée dans la dernière décennie.
Le grand poids pris par l'UDC s'explique aussi par la crise des partis traditionnels du centre, les radicaux en particulier. Comment le PLR peut-il conquérir à nouveau son rôle dans la politique suisse?
Très probablement, il ne va jamais retrouver son hégémonie historique, mais il va déjà être heureux de pouvoir dépasser son érosion constante des dernières 20 années et retrouver la fierté d’incarner un parti du peuple et pas seulement la classe des privilégiés qui s’enrichissent sur le dos des autres. Le PLR sera capable de cela s’il retrouve l’identité d’un état moderne basé sur sa conception historique de l’état suisse, non pas tout-puissant et ingérant comme l’état mis en scène par Reagan, Thatcher, le blochérisme et ce fameux slogan des années 80’s: «Moins d’état, plus de liberté». Aujourd’hui nous reconnaissons qu’afin que la liberté ne devienne pas un privilège des privilégiés, il faut un état comme contrepouvoir aux égocentrismes des forces du marché et du capital socialement aveugle qui méprisent les faibles et la nature.
Est-ce que les socialistes ne peuvent-ils pas être considérés à leur tour comme un parti de l'opposition? Comment peuvent-ils participer à 'une petite concordance' avec les bourgeois?
On peut respecter et vivre la concordance tout en s’opposant contre des projets et des idées de la majorité de la petite concordance. C’est ainsi qu’il faut distinguer très clairement l’opposition et la non concordance. L’UDC n’a pas cassé la concordance par ses idées différentes des nôtres, mais parce qu’elle a mis en cause la légitimité de l’existence des autres forces politiques, notamment des partenaires gouvernementaux comme les radicaux (traître du libéralisme), le PDC («tout et rien et le contraire») ou les socialistes («fatigués de la patrie», «non Suisses») et ses expatriations.
Les socialistes ont toujours été conscients qu’ils sont une minorité politique en Suisse; enfants des radicaux fondateurs de la Suisse moderne, ils ont toujours été prêts à s’intégrer dans une coopération avec des autres forces historiques en Suisse et les verts. Nous avons tous besoins de l’autre pour apprendre mutuellement des aspects qui nous sous-estimons quand nous nous contentons du cadre de notre seul parti. Mais pour cela il faut se respecter, ce qui est une valeur étrangère au blochérisme de l’UDC. Respecter la dignité de l’autre à l’intérieur du pays et envers l’extérieur et rendre possible pour l’autre ce qu’on demande pour soi – peut-être est-ce là une autre manière de définir le cœur de la concordance qui ne peut pas s’exprimer par les chiffres et son seul côté mathématique.
Et la gauche? Quelles sont ses perspectives après les récentes élections?
La gauche a arrêté sa chute et a su saisir l‘opportunité d’augmenter le nombre des sièges dans le Conseil National et surtout – c’était la grande surprise encourageante – dans le Conseil aux états. Par trois personnalités socialistes, qui incarnent toute la diversité de notre propre parti et qui se sont engagées d’une manière extraordinaire pendant une très grande période, la campagne électorale n‘étant seulement qu’un moment, hélas décisif.
La période historique que nous traversons voit le système et la compréhension du capitalisme remis en question comme jamais; nous faisons l’expérience que les forces du marché et surtout des capitaux mettent en question les acquis de la démocratie, la souveraineté nationale, les droits des Parlements, la liberté des citoyens et la solidarité. Nous devons alors nous demander et comprendre pourquoi nous n’avons pas fait des progrès plus substantiels, au-delà des 19 % de voix que nous avons faits, et pourquoi nous n’avons pas su mobiliser une participation dans les élections au-delà des 50%. Ce sont des questions pénibles mais fondamentales et il ne nous faut pas nous contenter de réponses simples et rapides. Il y a aussi chez nous et entre nous une sorte de crise de la politique – du savoir faire et du vouloir faire – qu’il nous faut dépasser afin de retrouver une force qui et plus proche des 30 % que des 20 %. Ce qui était possible pour les socialistes dans un Canton comme Fribourg doit être possible dans toute la Suisse! Surtout dans ce contexte objectivement favorable à nous qui sommes conscients depuis longtemps que l’égoïsme et la mégalomanie du capitalisme détruisent ce et ceux qui nous sont chers.
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