12.05.2009
Le Temps
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La Romandie: Politiquement trop simple!
Andi Gross
Bâlois, né au Japon, étudiant à Zurich et à Lausanne, à Berlin et en Californie, élu à Zurich au Conseil National en 1991, depuis 1995 délégué du Conseil National au Conseil de l'Europe à Strasbourg, président du groupe socialiste de l'Assemblée Parlementaire du Conseil de l'Europe, depuis 1998 maître d'un Atelier pour la Démocratie Directe à St-Ursanne au Jura, chargé de cours aux universités de Jena (D), Graz (Au) et Aarau …
Il y a des Romandes et des Romands, comme il y a des Suisses allemandes et des Suisses allemands. Mais y a-t-il au-delà de la langue et de la culture une Romandie? Et même culturellement: peut-on se permettre de mettre Alexandre Voisard, Anne-Lise Grobéty, Jacques Chessex, Yvette Z'Graggen et Maurice Chappaz dans le même panier?
De l'autre côté de la Sarine vu de Lausanne, personne ne dit qu'il appartient à la Suisse allemande; «Deutschschweiz», le mot même, avec le redoublement du «sch» n'est pas possible. Peut-on renforcer un espace linguistique sans renforcer les hommes qui l'habitent? Peut-on parler d'une région sans parler des hommes qui vivent dans cette région? Ce qui caractérise l'existence d'un Suisse ou d'une Suissesse c'est justement que l'on ne peut le réduire à un seul adjectif; nous réclamons plusieurs adjectifs: linguistique, régional, professionnel, culturel, politique …
La langue crée une patrie (Heimat) mais les Suisses semblent avoir besoin de plusieurs patries. La patrie linguistique ne suffit pas.
Notre patrie peut être plus petite que la région linguistique, partiellement même plus petite qu'un canton. Par exemple les Bas-Valaisans ou les Schwytzois de l'Intérieur qui vivent autour du Lac des Quatre-Cantons, ou les Schwytzois de l'Extérieur qui regardent du côté du Lac de Zürich. Des fois la patrie est plus grande qu'un canton, pensez aux Bâlois ou aux Jurassiens …
Anciennement l'appartenance confessionnelle ou l'origine (les Grisonnais vivant à Zürich se réunissent encore après 20 ans en tant que Grisonnais) étaient constitutives pour l'identité. Aujourd'hui beaucoup de personnes se définissent par leur ville ou même le quartier dans lequel ils habitent (Les gens du Chreis Chaib à Zurich ou le quartier des Grottes à Genève). Ils se sentent plus proches des autres habitants des villes, même de villes d'un autre espace linguistique, que des paysans des montagnes du même canton, ou du même espace linguistique. On peut citer également les identités professionnelles, les identités qui se créent par l'argent, par les marques («tu es quand tu achètes et ce que tu achètes»).
Personnellement je pense que les meilleures sources d'identité se construisent par les projets communs et l'action commune pour ces projets communs: Il peuvent rassembler les gens de différentes identités et générations et sont capable à créer des nouvelles «identités» ou «générations» politiques.
Quand on veut vendre une marchandise qui se définit prioritairement par la langue, l'espace linguistique est évidement important. Mais celui qui aimerait de quelque façon renforcer la liberté des Suisses ne peut pas ignorer les multiples identités des Suisses. Il doit être concerné par leurs multi appartenances , leurs différentes identités qui se croisent et se superposent. C'est une conquête énorme que nous n'ayons pas des partis politiques séparés par les langues et que même l'UDC puisse séduire un tiers des Romands …
Des références mono causales, soit la langue, les catégories économiques (quelle est la grandeur d'un canton dont l'administration est rentable par ex.), ou fonctionnelles (hôpitaux, gymnases, réseaux pour l'eau par exemple) sont insuffisantes et même, paradoxalement, anachroniques. Quand dans une réflexion et une action politiques nous désirons renforcer le pouvoir des êtres humains sur eux-mêmes afin qu'ils puissent gérer la plupart de leurs conditions de vie eux-mêmes, des constatations s'imposent: il faut transcender les frontières traditionnelles et relatives aux différents aspects de vie et replacer les compétences tout en apprenant à penser de façon multidimensionnelles.
Simplement dit, d'une part, dans quelques cantons il faut créer des régions à l'interne du canton auxquelles des communes doivent déléguer des compétences sans que pour autant les communes ne s'effacent. D'autre part, pour gérer des aspects de vie harmonieusement, des régions transcantonales doivent être créées comme par exemple l'Arc Jurassien avec son identité du génie industriel dans la campagne ou, les régions de Genève ou de Bâle dans lesquelles même les frontières nationales doivent être transcendées.
Un peu polémiquement j'aimerais dire que j'ai l'impression que plus la Suisse se sent en crise, il y a des Romands qui pensent que ce sont les Suisses alémaniques qui sont responsables des bêtises et des erreurs et ils commencent à mystifier la Romandie. Ils oublient que c'est exactement la culture politique et notre compréhension de la politique qui nous unissent au-delà de toutes nos différences. Cela explique en même temps que si nous avons commis des erreurs politiques graves nous en sommes ensemble responsables et que nous pouvons nous en émanciper seulement ensemble.
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