20. Sept. 2008

Thesenpapier

Qu'est-ce qu'une véritable concordance?
Dix thèses pour dépasser la crise actuelle


Par Andi Gross, Hans Stöckli, Gilles Petitpierre
Hilde Fässler und Martin Schaffner


Les thèses qui vont suivre se fondent sur les discussions et les écrits du Club Helvétique (CH), sans reprendre toutes les réflexions, notamment historiques, qui ont mené à leur conception. Leur but premier est d'ouvrir des perspectives permettant de dépasser la crise que traverse actuellement la notion de concordance en Suisse. La présente version est le fruit d'une première discussion ayant eu lieu à Sent, en Basse-Engadine, le 22 août 2008, et elle devrait à nouveau être débattue fin octobre à Lucerne.

1.
La concordance est un élément du système politique suisse à la fois parfaitement adapté au présent et riche de potentialités pour le futur. Elle naît d'un effort accompli en permanence par les différents partis du gouvernement et du parlement pour trouver un terrain d'entente. En comparaison avec des principes relativement simples comme la concurrence ou la coalition, la concordance apparaît plus favorable à l'intégration des multiples divisions qui caractérisent le pouvoir politique suisse.

2.
Nous nous engageons pour la préservation et le perfectionnement du système de concordance car il crée des conditions institutionnelles propices à la conciliation des intérêts économiques, des disparités sociales, des différences culturelles, des revendications régionales et des divergences politiques. Grâce à ce système, il demeure toujours possible d'élaborer un compromis équitable et acceptable par tous. La concordance contribue largement à ce que les questions politiques soient traitées en toute objectivité, et non selon un point de vue purement partisan.

3.
La concordance n'est certes pas pour nous un instrument destiné à harmoniser les oppositions politiques; nous la concevons plutôt comme un élément essentiel dans un mécanisme de résolution des conflits respectueux des différences. La culture du conflit et de la différence est à nos yeux la pierre de touche de la liberté et de la démocratie, de la politique même. La démocratie directe et la concordance favorisent la résolution des conflits par le biais du débat démocratique; mieux elles fonctionnent, moins la violence a de chance de s'installer.

4.
Grâce à la concordance, la Suisse peut connaître des majorités variables en fonction des thématiques et des objets soumis à votation. La majorité du gouvernement correspond ainsi à la majorité du parlement et du peuple. La composition du Conseil fédéral se trouve légitimée par cette capacité à obtenir régulièrement la double majorité du peuple et des cantons. Il peut arriver qu'un conseiller fédéral perde une votation, mais cela ne doit pas se produire trop souvent.

5.
Un gouvernement de concordance comprend de partis que leurs programmes amènent bien sûr à défendre des positions différentes, mais qui sont néanmoins capables de former des majorités ponctuelles lorsqu'il s'agit de résoudre des problèmes cruciaux. Ce qui est déterminant, c'est la ferme volonté de collaborer et de trouver un terrain d'entente. Il faut y ajouter le respect des points de vue divergents, ainsi que la reconnaissance d'une communauté fondamentale découlant d'un même attachement aux valeurs républicaines, à la Constitution fédérale, à la séparation des pouvoirs, et donc à des pouvoirs tels que le droit international, la Commission européenne des droits de l'homme et sa Cour de justice à Strasbourg.

6.
La concordance signifie en fin de comte qu'on renonce à prétendre détenir la vérité de manière exclusive. Il s'agit de toujours garder à l'esprit que celui qui pense autrement n'est peut-être pas plus éloigné de la vérité que ceux qui partagent la même opinion. Les alliances sont suffisam­ment ouvertes pour accueillir de nouveaux éléments, ce qui dote le système de gouvernement fondé sur la concordance d'une grande capacité d'évolution. Cette capacité d'évoluer est probablement celle dont notre société a aujourd'hui le plus besoin.

7.
On le voit, le principe de concordance ne saurait être réduit à une formule mathématique ou à un question de proportion. Il est bien plus que le reflet à l'exécutif de la composition des partis au sein du législatif. Aucun parti ne peut donc s'en réclamer pour imposer son représentant au gouvernement contre la volonté des autres partis.

8.
à côté des gouvernements de concordance au sens large, qui tentent de faire coexister des éléments aussi contraires que l'eau et le feu, on doit pouvoir également envisager une forme de concordance plus réduite, et peut-être plus authentique: elle n'inclura que les partis qui adhèrent à cette conception du gouvernement et désirent la mettre en pratique, tout en étant capables – peut-être justement pour cette raison – de constituer des majorités en leur faveur au parlement et dans le peuple.

9.
Il est particulièrement important que nous puissions nous accorder sur ce qu'est une authentique concordance car depuis une année, ce modèle est manifestement en crise. De 1995 à 2003, le gouvernement de concordance que connaissait la Suisse depuis 1959 (la fameuse formule magique) a commencé à s'éroder.
En 2003, l'Assemblée fédérale a réduit la concordance à une simple formule mathématique (la représentation des partis au gouvernement est fonction de leur nombre d'élus dans les deux chambres). En décembre 2007, les parlementaires ont corrigé cette décision en refusant d'élire le candidat favori du parti possédant le mieux doté en sièges, car ils ne l'estimait pas à même de respecter la concordance. Par la suite, les deux conseillers fédéraux élus sous l'étiquette de l'UDC ont été exclus du parti, qui n'est de facto plus représenté au Conseil fédéral. La concor­dance au sens large a dès lors cessé d'exister. Le principe de concordance est désormais en crise car il n'y a plus de consensus autour de sa définition et de sa mise en œuvre.

10.
L'Assemblée fédérale est libre de décider comment elle veut appliquer le principe de concordance et quelle personne lui semble convenir à ce dessein par son appartenance politique et par ses qualités personnelles. C'est de ce «comment» qu'il faut maintenant débattre, au Parlement comme dans l'espace public, avant de trancher si oui ou non – et le cas échéant, par qui – l'UDC doit être représentée au Conseil fédéral.


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