05. Jan. 2008

Liberté

«On peut éviter que l'UDC atteigne
35 % d'électeurs en 2011 et réclame
trois conseillers fédéraux»


Andreas Gross faisait sourire en répétant que la non-réélection de Christoph Blocher était possible. Aujourd'hui, il craint qu'on néglige la réflexion sur «l'après 12 décembre».

De Berne: François Nussbaum

Le conseiller national socialiste zurichois Andreas Gross était passablement isolé en refusant de baisser les bras en vue du 12 décembre, surtout après les élections d'octobre. Mais, dit cet observateur des institutions démocratiques, le parlement a finalement refusé de réélire le chef du plus grand parti suisse: un événement majeur dont il faut clarifier les enjeux pour la suite.

Si personne n'y croyait vraiment, comment la non-réélection de Blocher a-t-elle été possible?

C'est une sorte de superposition de couches. D'abord une réflexion menée sur le respect des institutions avec des personnalités de droite comme de gauche. Puis la sortie du bois du président du PDC, dont le groupe s'est déclaré majoritairement contre cette réélection. Il y a eu l'élection ratée d'Ueli Maurer et de Toni Brunner au Conseil des Etats, la mise à l'écart choquante des députés UDC grisons modérés de certaines commissions, le spectacle désastreux des frères Blocher à la TV. Enfin, le rôle du socialiste grison Andreas Hämmerle, pour passer de l'alternative PDC à Blocher à l'alternative UDC (Eveline Widmer-Schlumpf).

N'est-ce pas un peu hasardeux comme construction?

Oui, si on en reste au constat qu'il ne s'agissait que d'une question de personnes. Avec l'élection d'Eveline Widmer-Schlumpf, on maintient deux UDC au Conseil fédéral, en ayant écarté une personnalité uniquement à cause de son style. C'est l'interprétation actuelle du 12 décembre: on pense que le PDC a sauvé la concordance, l'UDC dit qu'elle rompue et le PS estime que rien n'a changé. C'est dangereux parce qu'on ne clarifie pas cette concordance: elle reste essentiellement arithmétique. La vraie clarification de l'identité de la concordance est absolument essentielle pour l'avenir de la majorité du 12 décembre. Pourtant la polarisation politique subsiste, et même va s'accentuer, avec un renforcement de l'UDC dans l'opposition, mais aussi une volonté qui apparaît dans le camp des gagnants d'en faire davantage. Car, si le 12 décembre a été une surprise, c'est qu'il était mal préparé. Y compris dans les médias, qui ont surtout donné la parole à des professeurs-politologues, spectateurs passifs plutôt qu'acteurs dans le débat.

A quoi faut-il s'attendre de la part de cette UDC dans l'opposition?

On se trouve face à un Blocher fondamentalement blessé. Pas davantage que ceux qu'il a blessés parmi ses adversaires, mais lui en tire une énergie qu'il canalise en volonté de vengeance. Il n'aura aucun mal à réunir les millions nécessaires pour viser les 35% d'électeurs en 2011 et réclamer ensuite, aux côtés d'Eveline Widmer-Schlumpf et après le départ de Samuel Schmid, deux nouveaux conseillers fédéraux de son bord. Il faut s'attendre à une série d'initiatives populaires, lancées à grand renfort de tous ménages: sur une conception autoritaire des droits populaires, sur le référendum financier, sur la sécurité, contre les impôts.

Quelle riposte voyez-vous?

La majorité du 12 décembre a une grande responsabilité. Elle peut d'ailleurs exploiter le regain de confiance dont bénéfice le parlement parmi les 70% non UDC de l'électorat. La première chose sera de créer une réflexion commune sur la réglementation des moyens financiers des partis pour leurs campagnes. Cela nécessite un travail interpartis: l'exclusion partisane, à l'image des moutons noirs, ne doit pas faire école! Il ne s'agira pas d'établir une parfaite égalité, mais d'éviter d'énormes déséquilibres, qui trahissent l'esprit et le processus démocratique. A mon avis, le plafonnement des budgets de campagnes, trop facile à contourner, ne suffit pas. Il faut vraiment davantage un mécanisme de la rééquilibration, de transparence, quand on veut investir des fonds publics.

Croyez-vous à la vision du président du PDC de récupérer les thèmes sécuritaires de l'UDC en y mettant la manière?

Non, le PDC a reformulé une politique centriste qu'il ne devrait pas mettre en danger en tentant de marginaliser l'UDC sur son propre terrain. En revanche, et c'est le deuxième grand défi, il faut impérativement donner des gages aux électeurs UDC, qui expriment des peurs, à la fois sociales, économiques et existentielles – deux tiers de l'électorat de l'UDC. Mais pas en utilisant ces peurs pour les dévier au profit des classes déjà favorisées, comme le fait justement l'UDC.


Kontakt mit Andreas Gross



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