31.8.07

Le temps

«Si Blocher ne mérite pas d'être président, mérite-t-il de rester au gouvernement?»

Andreas Gross ne veut plus de l'UDC ni de Christoph Blocher au gouvernement. Aujourd'hui, un livre défend cette cause et compte alimenter le débat avant les élections parlementaires du 21 octobre.

Philippe Miauton, Berne

Plaidoyer pour un Conseil fédéral sans Christoph Blocher. Le conseiller national Andreas Gross (PS/ZH) présente aujourd'hui son livre intitulé «Fahrplanwechsel» (ndlr: changement d'horaire. Pour plus de démocratie et de solidarité, pour moins de Blocher). Cet ouvrage réunit les analyses de politiciens et d'universitaires de gauche comme de droite qui proposent d'évincer l'UDC du Conseil fédéral. La version française de l'ouvrage ne paraîtra qu'après le 21 octobre, mais comportera des commentaires sur les résultats des élections parlementaires.

Le Temps: En février, vous annonciez la publication de votre livre, mais le débat n'a pas véritablement évolué depuis. N'êtes-vous pas désillusionné?

Andreas Gross:Au contraire! Maintenant, sur la base des arguments de ce livre, j'espère que le débat va se déclencher. Nous souhaitons démontrer que le gouvernement doit se passer de l'UDC dont le blochérisme monopolise le discours. Nous aimerions rappeler aux autres partis qu'une personne qui ne respecte ni la Constitution ni les droits de l'homme n'a pas sa place au gouvernement. Le débat va donc s'instaurer avant les élections parlementaires pour peut-être se préciser en vue de l'élection du Conseil fédéral le 12 décembre.

Lundi, les partisans de l'UDC dénonçaient un complot contre le ministre zurichois. Avec la publication de votre ouvrage, n'entrez-vous pas dans le jeu de l'UDC?

Dans la démocratie directe, c'est le débat qui gouverne. Eviter la discussion sur l'UDC, c'est trahir le fait que l'on a peur. Aujourd'hui, les attaques de ce parti sont omniprésentes. Il faut résister et montrer que l'UDC n'a pas le monopole des arguments et encore moins des bons arguments.

Vous parlez d'une démocratie de la discussion: exclure un parti, n'est-ce pas y contrevenir?

C'est une question très suisse. Nous baignons dans une culture du consensus. Dans la pratique, notre gouvernement inclut tous les grands courants, mais cela n'est prescrit par aucune contrainte constitutionnelle. Le gouvernement, à la différence du parlement, ne doit pas nécessairement représenter toutes les tendances, il doit avant tout se montrer convaincant, soit rassembler des majorités aux Chambres et devant le peuple.

Quel système préconisez-vous?

Je ne plaide pas pour un changement de système. La démarche consisterait à établir une concordance réduite et volontaire dont l'UDC serait absente. Aujourd'hui, les membres du Conseil fédéral se détestent. Or, un gouvernement ne se réduit pas à la proportionnalité mais à des projets communs. Il faut créer, non pas une simple projection d'un rapport de forces politiques au gouvernement, mais une aptitude au débat collectif et au consensus politique minimal. Cela n'exclut toutefois pas que les partis affiliés à cette concordance choisissent parfois l'opposition avant une votation.

Si l'UDC se retrouve dans l'opposition, une coalition de droite au gouvernement n'est pas à exclure à moyen terme. Le cas échéant, le PS pourrait se retrouver un jour dans l'opposition ...

C'est la raison pour laquelle la direction du PS n'aime pas ma proposition. Elle sait qu'en Suisse romande, une majorité d'électeurs exclurait l'UDC et conserverait le PS au gouvernement, tandis que les Alémaniques feraient le choix inverse. Mais j'estime que l'on ne peut pas limiter le débat aux seuls intérêts partisans. Hans-Jürg Fehr, par exemple, a peur que l'UDC, une fois dans l'opposition, paralyse tout le système en multipliant les initiatives et les référendums. Cette hypothèse est peu probable: dans les faits, il n'y aurait que deux ou trois objets supplémentaires soumis à votation par année.

Que pensez-vous des petits pas de rapprochement entre le PS et le PDC? Cela peut-il suffire à créer un bloc contre la réélection de Christoph Blocher?

Dans cet ouvrage, nous avons interrogé Fulvio Pelli, Hans-Jürg Fehr et Christophe Darbellay. Ils étaient très mal à l'aise. L'opinion de ces trois présidents de parti reste encore trop floue. Je soutiens le rapprochement entre le PS et le PDC, mais je suis conscient des limites du jeu des partis. L'embarras de ce que l'on a coutume d'appeler le centre droit est symptomatique. Une partie de l'électorat du PDC et du PRD s'est érodée au profit de l'UDC. Ces partis sont maintenant paralysés. Comment se positionner pour ou contre l'UDC lorsque l'on cherche à reconquérir un électorat qui précisément a opté pour l'UDC? Enfin, en ce qui concerne le PS, je ne soutiens pas la proposition de Hans-Jürg Fehr qui veut priver les radicaux d'un siège au Conseil fédéral. Il faut fixer des priorités. La première doit être de s'attaquer au blochérisme et à son discours totalitaire.

Plutôt que de virer dans une concordance réduite, ne serait-il pas envisageable d'élire un autre membre de l'UDC à la place de Christoph Blocher?

Il ne sert à rien de nommer une personne qui ne représenterait que 15% de la tendance du parti. Les 85% restants auraient beau jeu de faire valoir qu'ils ne sont pas représentés au gouvernement, comme avec Adolf Ogi ou Samuel Schmid. Entre 1995 et 2003, nous avons vécu une concordance réduite inconsciente, à laquelle il faut substituer une coalition assumée.

L'éviction de Christoph Blocher semble peu probable. Une alternative serait dès lors de ne pas l'élire à la présidence?

En Suisse alémanique, la question ne se pose pas encore de la même manière qu'en Suisse romande. Le chantage de l'UDC serait toutefois identique: l'UDC menacerait de quitter le gouvernement. Pour ma part, je tournerais la question dans le sens inverse. S'il ne mérite pas d'être président, pourquoi mériterait-il alors de rester au Conseil fédéral?

Vous êtes le seul parlementaire à vous attaquer de front à cette question. N'avez-vous pas l'impression de prêcher dans le désert?

Beaucoup moins qu'il y a quatre ans. Aujourd'hui, les Verts se sont alignés derrière ma position. Un intellectuel en politique doit savoir assumer ses convictions contre la majorité ou son parti.


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