6. Dez. 2006

«Mieux vaut avouer une erreur»

Droits populaires. La mort annoncée de l'initiative populaire générale n'étonne pas Andréas Gross. Mais il déplore l'amateurisme et le manque de courage politique du Parlement.

Propos recueillis par Christiane Imsand

La commission des institutions politiques du Conseil national a créé la surprise il y a quelques semaines en proposant de renoncer à l'initiative populaire générale. Selon elle, cet instrument accepté en 2003 dans l'indifférence générale (29% de participation) est trop complexe pour avoir une quelconque utilité. Le plénum se prononcera le 19 décembre. Président de la commission et spécialiste des droits populaires, le socialiste zurichois Andréas Gross avait à l'époque combattu ce nouveau droit populaire. Il ne cache pas qu'il observe ce retournement de situation avec un certain amusement.

L'initiative populaire générale n'était-elle pas une bonne idée?

A. Gross: J'ai toujours combattu ce projet car il faisait partie d'un paquet destiné à renforcer le Parlement et le gouvernement au détriment du peuple. Et dès lors que le nombre de signatures requis était le même que pour une initiative constitutionnelle, il était clair à mes yeux que cet instrument ne serait pas utilisé. Personne ne va s'engager dans une récolte de signatures sans savoir comment le projet qu'il défend va être concrétisé. L'argument de la complexité est était pour moi secondaire.

N'est-il pas incroyable d'abandonner ce nouvel instrument trois ans après son adoption, sans qu'il ait jamais été utilisé?

Non, cela revient simplement à avouer une erreur. Elle provient de la personnalisation de la politique. Au Parlement, ils l'avoue aujourd'hui, l'UDC a voté pour le projet parce que j'y étais opposé. Puis, il a retourné sa veste pendant la campagne de votation. On aurait donc parfaitement pu éviter de se trouver en situation de proposer au peuple l'abandon de ce système, au risque de jeter le discrédit sur la démocratie directe. Car ce revirement va être instrumentalisé par ceux qui cherchent à ridiculiser les droits populaires.

Vous êtes pour l'initiative législative formulée. Est-ce une alternative?

Oui, certainement. Le projet que j'ai présenté a été refusé sous prétexte qu'on allait introduire l'initiative populaire générale. Ce sont les mêmes qui, aujourd'hui, veulent la laisser tomber. Il y a trop de parlementaires qui ne prennent pas le temps de réfléchir suffisamment aux conséquences de leurs décisions. Ils se contentent de suivre les consignes.

Pensez-vous qu'on puisse faire un lien avec l'article constitutionnel sur l'internement à vie des délinquants dangereux qui se révèle lui aussi difficile à appliquer?

Là aussi, le Parlement ne s'est pas assez investi. Il aurait dû avoir le courage d'invalider une initiative incompatible avec la Convention européenne des Droits de l'Homme. Mais la comparaison s'arrête là. Le juge devra se débrouiller tout seul, mais la décision du peuple est respectée. Par contre, je note que le gouvernement ne recourt pas à tous les instruments à sa disposition pour mettre en œuvre l'initiative des Alpes. Il pourrait parfaitement agir par voie d'ordonnance.

Quelle leçon tirez-vous de cette affaire?

La démocratie directe ne fonctionne bien que si le Parlement est suffisamment fort pour faire correctement son travail législatif. Pour s'en assurer, il faut introduire davantage de transparence financière dans le processus. Dans ce domaine, la Suisse pourrait s'inspirer des Etats de la côte Ouest des Etats-Unis.


Initiative populaire générale: mode d'emploi

A la différence de l'initiative populaire constitutionnelle que l'on connaît bien, l'initiative populaire générale permet de demander l'adoption, la modification ou l'abrogation de dispositions constitutionnelles ou législatives. L'idée est d'éviter de retrouver dans la Constitution des règles qui auraient davantage leur place dans la loi, comme par exemple des limitations de vitesse sur les autoroutes. Il appartient à l'Assemblée fédérale de dire si la demande des initiants sera satisfaite au niveau constitutionnel ou législatif.

Comme sa grande sœur, l'initiative populaire générale doit recueillir 100 000 signatures pour aboutir. Sa mise en œuvre est cependant particulièrement complexe. Voyez plutôt:

Cas no 1: l'Assemblée fédérale approuve l'initiative. Elle prépare alors une proposition de mise en œuvre de nature constitutionnelle (vote obligatoire avec double majorité) ou législative (référendum facultatif avec majorité simple). Elle peut aussi opposer un contre-projet à l'acte de mise en œuvre qu'elle aura elle-même préparé. Dans ce cas là, le référendum sera obligatoire. Le double oui sera possible avec question subsidiaire. Mais attention, les initiants peuvent déposer au Tribunal fédéral un recours contre le projet de mise en œuvre. Si les Chambres ne parviennent pas à se mettre d'accord, l'initiative est alors soumise au vote du peuple et des cantons.

Cas no 2: L'Assemblée fédérale désapprouve l'initiative. Le projet est alors soumis au peuple. En cas d'acceptation, le Parlement doit la mettre en œuvre selon la même procédure qu'indiquée ci-dessus à la différence près qu'il n'est pas possible de lui opposer un contre-projet.


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