06.05.2002

Le Temps

La mobilisation des Français
contre Le Pen force le respect


Est-ce parce qu'il vit à Saint-Ursanne, bourgade jurassienne voisine de la France? Toujours est-il que le conseiller national (PS) Andreas Gross commente avec émotion les résultats du second tour: «Je suis très soulagé. La France a fait preuve, depuis quinze jours, d'une incroyable force de mobilisation, qui appelle le respect. Je ne pense pas que beaucoup de pays auraient été capables, comme elle, d'une telle réaction contre le racisme. Maintenant viennent les législatives. Je crois avoir compris que la cohabitation avait été l'une des causes du désastre d'il y a quinze jours. Indépendamment de mon appartenance partisane, je trouverais sain que la droite parlementaire soit majoritaire dans la nouvelle Assemblée. La gauche pourrait alors mettre à profit une cure d'opposition pour se reconstituer. Sur un plan européen, je crains que le résultat de dimanche en France n'entraîne des victoires de droite en Hollande et en Allemagne, et un renforcement du même courant en Suisse aux élections de 2003.»

Le conseiller national Claude Frey (rad./NE) voit dans les deux tours de scrutin de la présidentielle des votes «protestataires». «Au premier tour contre Chirac et Jospin, au second, transformé en référendum, contre Le Pen. Il s'agit désormais de faire de ces deux votes quelque chose de positif. Autrement dit, et paradoxalement si l'on se rapporte au slogan du candidat socialiste («Présider autrement»), le prochain gouvernement devra gouverner autrement, en montrant qu'il a entendu le message de la protestation. Sinon la France restera dans l'oeil du cyclone, dans l'illusion de la tranquillité. La cohabitation, c'est la confusion. Il importe par-dessus tout que la droite parlementaire affiche de la cohérence au lieu de se chamailler.»

Le conseiller national Christoph Mörgeli (UDC/ZH) affirme ne pas être surpris du résultat du candidat Chirac. «Dès lors que tous les partis, à l'exception d'un ou deux, avaient appelé à voter pour lui comme rempart au fascisme, ses 82,5% ne m'étonnent pas. Je ne pense pas que la hauteur du score soit un bienfait pour la démocratie. Jacques Chirac, protégé par son immunité, n'aurait-il pas des comptes à rendre à la justice? Ce n'est une situation heureuse pour la France.»

«Ce soir, les Français ont dit ce dont ils ne voulaient pas dans la politique de leur pas: pas d'intolérance, pas de sectarisme, après avoir dit au premier tour qu'ils ne voulaient pas d'insécurité, analyse le conseiller national Jean-Philippe Maitre (PDC/GE). Pour autant, au second tour, ils n'ont pas montré clairement ce qu'ils attendaient. S'agissant de l'extrême droite, si elle a bel et bien une capacité d'agréger les votes protestataires, elle est incapable de rassembler les électeurs sur un projet de gouvernement. C'est valable en France, mais aussi en Suisse. Ainsi dimanche à Zurich, où la section de l'UDC appartient selon moi à l'extrême droite: l'Union démocratique du centre n'a pas réussi à placer un seul de ses représentants à l'exécutif de la Ville.»

Le conseiller aux Etats Anton Cottier (PDC/FR) estime que le résultat de Jean-Marie Le Pen «exprime le rejet profond par les Français de l'intolérance et du repli de la France face à l'Europe et leur volonté d'ouverture. Il n'efface pas le scrutin du 21e avril. Jacques Chirac gagne, mais il ne triomphe pas. Il ne gagne pas comme rassembleur de la France, mais il est le garant des valeurs civiques et républicaines. Le 21e avril a exprimé un profond malaise des Français à l'égard de la politique, de la gauche comme de la droite. Le peuple français veut renouer avec la prospérité économique, avec le rayonnement politique et retrouver le sentiment d'un pays leader en Europe, dont la France a été trop longtemps absente. Pour la construction européenne, c'est un résultat formidable.»

Andreas Gross

 

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