20.11.2002

Assemblée générale
de l'ONU
57ème session
Séance plénière

«Coopération entre l'Organisation des
Nations Unies et l'Union interparlementaire»


Point 22 h) de l'ordre du jour:
Déclaration
de
M. Andreas Gross
Parlementaire suisse

New York, le 20 novembre 2002

Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs,

C'est autant un honneur qu'une joie pour moi de pouvoir m'exprimer devant vous en tant que membre de l'Assemblée Parlementaire du Conseil de l'Europe et comme Parlementaire suisse, un des initiateurs de l'initiative populaire pour l'adhésion de la Suisse à l'ONU.

Je le fais avec une double gratitude : je remercie le gouvernement suisse qui me laisse parler sans me demander d'exprimer sa position - si vous n'êtes pas d'accord avec certaines de mes remarques je vous prie donc de vous adresser à moi personnellement - ; mais de plus j'aimerais partager avec vous ma gratitude devant le peuple et les cantons de la Confédération helvétique.

Comme vous le savez, nous étions un des derniers Etats à être devenu membre des Nations Unies. Mais vous êtes surtout aussi conscients du fait que nous étions en même temps les premiers à être entrés avec tout un peuple. Le peuple suisse se faisait inviter par lui-même, plus précisément par une de ses minorités engagée à corriger le résultat négatif du premier vote. Une autre preuve pour la pertinence de la vieille hypothèse, que si les Suisses sont contre une nouvelle idée, cela ne veut pas dire qu'ils sont contre cette idée mais seulement qu'ils ne sont pas pour.

Et n'oubliez pas : même chez vous, c'est comme cela, si vous emmenez beaucoup de monde dans un train pour un long et incertain voyage, cela prend du temps jusqu'à ce que le train soit plein : mais ce que vous aurez investi dans la durée, vous allez le gagner dans la légitimité, la durabilité et les connaissances de tous ceux qui ont participé aux débats. C'était un effort qui valait la peine pour l'avenir de la Suisse mais aussi pour celui de l'ONU parce que vivre la démocratie c'est mobiliser la créativité, la richesse et les potentialités intellectuelles d'un peuple pour la cause commune au-delà de ce peuple.

Aujourd'hui, nous sommes confrontés avec le défi d'être obligés de désigner une structure qui réalise cette vertu de la démocratie au-delà de états nations. Parce que ceux-là ne peuvent plus adresser seuls les défis existentiels de leurs peuples, qui sont devenus transnationaux, ni faire respecter la dignité humaine et leurs besoins sociaux. Car rappelons-nous : la démocratie est beaucoup plus qu'une façon d'organiser une majorité parlementaire et de légitimer le pouvoir : c'est la condition pour que tous ceux qui ne sont pas privilégiés puissent aussi s'exprimer et que la liberté ne se réduise pas à la liberté des privilèges et aux possesseurs de capitaux.

C'est pour cela qu'il faut aujourd'hui globaliser la démocratie afin d'humaniser la globalisation. L'ONU va être au centre de cet effort commun. Chaque région du monde peut contribuer à cet effort global par ses expériences.

Par exemple le Conseil de l'Europe, l'organisation paneuropéenne des 44 pays européens, c'est-à-dire aussi les pays non privilégiés d'Europe, est un exemple de comment les Parlementaires délégués par leurs Parlements nationaux deviennent le moteur d'une organisation transnationale - une expérience à suivre comme je le pense par l'ONU est c'est à cause de cette expérience que je vous prie de soutenir la résolution pour l'UIP qui partage cette perspective.

Une telle base parlementaire qui exprimerait les espoirs, les expériences, les projets et les besoins des peuples est certainement parfois dérangeante même laborieuse pour les gouvernements et ses diplomates mais sans aucun doute un élément nécessaire à l'augmentation de la légitimité, l'efficacité et la capacité de l'ONU de pouvoir résoudre les problèmes existentiels des peuples dans l'intérêt général du monde. L'autre expérience du CoE qui mérite d'être considérée par les autres organes transnationaux continentaux et de l'ONU est l'autorité qu'il a créé pour protéger efficacement les droits de l'homme de chaque citoyen même ceux blessés par leurs états.

Naturellement il y a aussi des inconvénients communs qui sont partagés par le CoE et l'ONU et qui devraient être l'objet de réformes communes. Je pense notamment à leurs méthodes de financement - dans ce domaine ces derniers pourraient s'inspirer des pratiques de l'Union Européenne. Mais je pense aussi à leur faiblesse vis-à-vis du pouvoir de l'économie et l'injustice que celle-ci crée chaque jour sur tous les continents. C'est la raison pour laquelle j'aimerais rappeler les idées de Jacques Delors qui a suggéré à l'ONU de créer un conseil économique de sécurité qui réagirait aux crises financières et l'appauvrissement de certains peuples comme notre Conseil de sécurité réagit aux menaces plus directes et plus classiques à la paix et à la sécurité.

Je suis conscient que de tels idées et projets semblent être utopiques à certains. A ceux-là j'aimerais tout de même rappeler que toutes les réussites dont nous sommes fiers aujourd'hui, comme l'ONU par exemple, étaient alors aussi un projet utopique. Afin que vos enfants et petits-enfants aient le bonheur d'être fiers à leur tour des réussites politiques, il faut aujourd'hui être plus ouverts et courageux envers les projets innovateurs. Si aujourd'hui vous n'avez pas le courage de penser et d'imaginer la soi-disante impossibilité, nous n'allons pas réaliser demain ce qui peut être possible et nécessaire. Car il nous faut éviter la confrontation des civilisations afin de pouvoir réaliser leur entente et compréhension.

Je vous remercie donc pour cette ouverture, ce courage et aussi pour votre patience et attention pour ce discours, peut-être un peu inhabituel.

Andreas Gross

 

Nach oben

 

Zurück zur Artikelübersicht