22.04.2002

Le Matin

Andreas Gross
«On me traite de Tsigane»

Membre de la délégation suisse au Conseil de l’Europe, le parlementaire zurichois n’en finit pas de dévorer livres et kilomètres. Des Franches-Montagnes à Paris en passant par les plaines d’Ukraine. Récit d’un stakhanoviste.

Fedele Mendicino

«On nous a répété durant des années qu’il fallait être flexible et, aujourd’hui, des politiciens me traitent de vagabond ou de Tsigane.» Il faut dire qu’Andreas Gross ne tient pas en place. Le conseiller national navigue entre son domicile "officiel" zurichois, celui de Barbara, son amie bernoise, en passant par son observatoire politique de Saint-Ursanne (JU). A peine rentré d’Ukraine, où il s’est rendu pour les élections en tant qu’observateur international, il a remis ça hier à l’occasion des élections françaises, à Paris.

Mais ce n’est pas tout. "Cette semaine, je dois analyser au Conseil de l’Europe, à Strasbourg, les dysfonctionnements du scrutin ukrainien, car je retourne sur place en mai. A côté de cela, je continue à enseigner dans deux universités allemandes. C’est justement en raison de ces va-et-vient que j’ai un pied-à-terre dans les Franches-Montagnes, où je compte habiter."

Comme pour éviter de se prendre au sérieux, il se met à rigoler en plongeant ses grandes mains dans son épaisse chevelure grisonnante. Un rire spontané, guttural et enfantin qui tranche avec son image d’intellectuel engagé et reconnu.

Mais le socialiste se reprend vite. "Si je compte mon mandat pour la constituante zurichoise, je travaille à 150% et, en semaine, mes nuits de sommeil ne durent pas plus de cinq heures. Malgré cela, je gagne moins qu’un enseignant de niveau primaire, et mon agenda prend souvent le dessus sur ma vie amoureuse ou mes amis. Ajoutez à cela mon impatience et mon exigence parfois excessive envers les autres..."

Alors pourquoi tant de sacrifices pour ce père de famille divorcé de 50 ans? "J’aime parler et étudier la démocratie directe ou l’Europe, mais il faut vivre les réalités pour les comprendre." Car Andreas Gross n’en démord pas: il espère toujours voir la Suisse entrer dans l’Union européenne. "Notre pays n’a pas été choisi par Dieu pour être une île au milieu de la misère. Pour parvenir à cette adhésion en 2010, je compte mobiliser des politiciens de tous les partis qui devront créer des cercles de réflexion dans chaque commune."

A l’origine de son ouverture, une famille de globe-trotters. "Ma grand-mère était Américaine et, avec mon grand-père, un libéral-démocrate, je parlais déjà de politique à 8ans. Je suis né au Japon, où mon père travaillait dans la chimie. De fait, aujourd’hui, je réalise que chez moi c’est aussi bien dans un café littéraire à Washington que sur les rives du Rhin."

Bref, Andreas Gross a le voyage dans le sang et l’horizon dans les yeux. "Car je suis surtout un amoureux de la mer." Sa dernière "folie", un bateau qui l’attend depuis trois ans à deux pas des fjords en Suède. "Comme ma voiture, il m’a coûté environ 3000 francs. Cet été, je naviguerai trois semaines avec ma copine. Mon but est d’atteindre un jour Saint-Pétersbourg."

Une utopie de plus? "C’est comme en politique, au début votre idée est utopique, elle est ensuite ridiculisée, puis combattue, finalement un jour elle devient évidente." Pas de doute, pour Andreas Gross, la lutte continue.


Un traître à la cause?

En 1997, Andreas Gross quitte le Groupe pour une Suisse sans armée (GSsA), qu’il avait fondé en 1981. Une décision qu’il ne cesse depuis de justifier. "Je reste fidèle à mes convictions. Je suis un pacifiste, pas un dogmatique. En 1989, nous avons obtenu 36% de oui avec notre initiative "Pour une Suisse sans armée". Mais lorsqu’en 1997, le mouvement a décidé d’en lancer une autre dans ce sens, je suis parti. L’armée a changé par rapport à celle des années 70 ou 80!" Le temps lui donne raison: en 2000, l’objet n’obtient que 22% d’avis favorables. "Mais je suis convaincu qu’on peut se contenter d’une armée de professionnels. Soit environ 20 000 hommes à disposition de l’ONU."

Aujourd’hui, grâce à son mandat au Conseil de l’Europe, le socialiste s’en prend davantage aux violations des droits de l’homme et de la démocratie. Il estime par ailleurs que "l’Europe, les organisations supranationales et la démocratie directe sont des atouts qui doivent cadrer le marché et répondre à la mondialisation".

Andreas Gross

 

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