10.09.1999
Journal du Jura, Rubrique Suisse
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Adhérer pour gagner en souveraineté
ÉLECTIONS FÉDÉRALES · La thématique Suisse-Europe sous la loupe.
Par François Nussbaum/ROC
«Adhérer à l'Union européenne, c'est sacrifier la souveraineté nationale et la démocratie directe». Affirmation courante qui cadre mal avec le fait que l'UE compte déjà 15 membres et qu'un large courant, en Suisse, souhaite s'y intégrer. Mais peut-on dire, à l'inverse: pas de souveraineté et de démocratie sans intégration?
«L'UE occupe le plus clair de son temps à mesurer la courbure des cornichons et le diamètre des pommes», ironise un opposant. De fait, la politique agricole commune (PAC) classe les cornichons selon leur courbure et les pommes selon leur taille. La Suisse calcule des équivalents-fumier pour les paiements directs et personne n'en rit.
Bref, si la perte de souveraineté doit toucher quelques cornichons helvétiques, on en guérira. Plus sérieusement, l'ambassadeur Bruno Spinner (négociateur pour les bilatérales) évalue à 5% la part de la vie des Européens réglée par le droit communautaire. Le transfert de souveraineté, pour être déterminant, n'en est pas moins limité. C'est en tout cas sans commune mesure avec l'énorme transfert de compétences que les cantons ont consenti depuis 1848 en direction de la Confédération. Et, remarque le professeur Pascal Mahon (Neuchâtel), non seulement les cantons n'ont pas réduit leurs instruments de démocratie directe (référendum, initiative), mais ils les ont développés.
Lors de la préparation de l'EEE, en 1992, la très grande majorité du Parlement s'est convaincue que les droits populaires ne nécessitaient aucune modification. Et le dernier rapport d'intégration du Conseil fédéral, publié en début d'année, fait le même constat: les éventuelles adaptations n'ont, en tout cas, aucun caractère d'urgence.
En revanche, la Suisse n'échappe pas à l'influence du droit européen, puisque les trois quarts de ses échanges s'effectuent avec l'UE. D'ailleurs, depuis une dizaine d'années, chaque projet législatif du Conseil fédéral est accompagné d'un message dont un chapitre vérifie que la norme proposée n'est pas contraire au droit européen. Selon Pascal Mahon, le contenu du droit suisse est davantage inspiré, voire dicté, par la nécessité de s'adapter à l'extérieur que par des besoins internes. La pression principale est même exercée par des organisations internationales (UE, ONU) dont la Suisse n'est pas membre.
On touche là au problème essentiel: pour des raisons évidentes, la Suisse ne peut que suivre le droit européen, mais sans aucune possibilité de l'influencer. La perte de souveraineté est sans contrepartie. Seule l'adhésion redonnerait à la Suisse un pouvoir d'initiative et d'influence, au Conseil des ministres, à la Commission européenne et au Parlement européen.
Fin des Etats-nations
Mais revenons à la démocratie directe. Les instruments actuels peuvent être maintenus en cas d'adhésion, mais leur champ d'application risque de se restreindre: une initiative ou un référendum contre une norme européenne contraignante poserait des problèmes. Moins qu'on ne l'imagine souvent, estime Pascal Mahon, mais quand même.
Il faut envisager les choses dans leur dynamique, explique un autre spécialiste des droits populaires, le conseiller national Andreas Gross . Ce sont tous les Etats-nations qui s'affaiblissent aujourd'hui, face à un pouvoir économique mondialisé. Ils compensent alors leur perte de pouvoir en s'unissant dans un ensemble supranational.
Au niveau continental
Mais l'UE, par exemple, à laquelle 15 Etats (dix autres se préparent) ont déjà accepté de déléguer une part de leurs compétences, a tendance à centraliser ses instances de décision. Ce n'est pas concevable sans une contrepartie démocratique, dit Andreas Gross , surtout si l'UE doit un jour rassembler 30 pays. Tôt ou tard, une Constitution européenne instituera des droits démocratiques au niveau continental.
Si l'Europe a besoin de la démocratie pour se légitimer, la démocratie - y compris la démocratie directe suisse - a besoin de l'Europe pour exprimer une volonté populaire qui aura de moins en moins d'impact au niveau national. Pour ne pas être vidées de toute réalité, la souveraineté et la démocratie suisses n'ont d'avenir que dans l'adhésion.
E-Mail pour Andreas Gross
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