27. Sept. 2004

Liberté

«C'est maintenant que notre
mission est essentielle»


Le conseiller national Andi Gross (ps/ZH) explique le but et les résultats de sa visite au Nord Caucase. Propos recueillis par Eric Reumann.

Comment voyez vous la situation en Tchétchénie après votre visite?

Je me remémore en particulier le point de vue des représentants de l'organisation de défense des droits de l'homme Mémorial que nous avons rencontrés lundi dernier en Ingouchie. Ils nous avaient dit que le jour des élections présidentielles tchétchènes pourrait bien avoir été le dernier jour tranquille pour longtemps. Cette prédiction semble se confirmer : mardi nous avons eu l'attentat à la bombe à Moscou et nous avons ce terrible massacre d'enfants.
Cette violence est une réponse à l'inéquité de ces élections. Elles n'étaient pas une tentative d'intégrer toute la société, mais visait clairement à exclure une partie des Tchétchènes.
Une société moderne et vulnérable ne peut pas être protégée contre des individus déterminés qui se sentent traités de façon injuste. Cette violence a aussi conduit à un nouveau durcissement de l'opinion russe. Ceux qui sont à la recherche d'un compromis sont encore plus isolés.

Vous êtes chargé par l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe de rédiger un rapport sur les possibilités de règlement du conflit. Que pouvez vous proposer?

Je proposerai différentes idées comment un dialogue peut malgré tout être renoué. Il n'y a pas d'alternative au dialogue. Tout autre choix produira encore plus de morts et de violence, tant en Russie qu'en Europe. On ne peut dicter la paix. Elle se fait forcément avec un adversaire qu'on n'aime pas, sinon il ne serait pas un ennemi et la paix régnerait déjà.

Est-ce qu'une mission telle que la votre a encore un sens lorsque les positions des une et des autres sont aussi irréconciliables?

C'est justement parce que les fronts se sont durcis qu'il faut l'aide de médiateurs. Plus fossé est grand, plus il est difficile d'établir des ponts. Mais c'est justement en ce moment qu'ils sont les plus nécessaires. Si ce n'est pas le Conseil de l'Europe qui fait cet effort, alors qui ? La France et l'Allemagne n'entrent de toute évidence pas en ligne de compte : ces pays se sont totalement alignés sur l'unilatéralisme de Poutine ce qui est choquant pour un Européen. En critiquant mardi les élections présidentielles tchétchènes, le gouvernement américain a mieux défendu les valeurs européennes que les deux leaders de l'UE. C'est une énorme déception pour moi.

L'observation des élections présidentielles tchétchènes n'entraient pas dans vos attributions. Pouvez-vous toutefois vous livrer à une appréciation?

Certainement. Ces élections n'étaient pas de vraies élections, elles n'ont pas de véritable légitimité au-delà de leur aspect formel. Si les gens ne peuvent même pas discuter publiquement avant un scrutin, c'est comme des gens qui souhaitent se baigner sans se mouiller.

Vous n'étiez guère libre de vos mouvements durant votre visite. Les autorités russes vous ont montré ce qu'elles souhaitaient vous montrer. Elles ont même tout fait pour que votre entretien avec Mémorial échoue. Dans ces circonstances, une telle visite a-t-elle un sens?

J'ai certainement vu et compris plus que si j'étais resté en Suisse et m'étais contenté des médias. Une personne sensible et intelligents voit toujours quelque chose, même si des régimes autoritaires tentent de tout cacher. C'était parfaitement justifié de ne pas légitimer ces élections avec une mission d'observation officielle, mais d'être présent sur place pour se faire une idée exacte de la situation. Cela crée la confiance et ouvre plus d'horizons que si nous étions restés à la maison.

Andreas Gross



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