15 septembre 2018

Quotidien Jurassien

Mosaïque de la Démocratie

Fragment no 90

La démocratie permet d’être libre ensemble


Dans deux semaines, Willi Ritschard aurait fêté ses cent ans. Mais le seul ouvrier devenu l’un des 117 conseillers fédéraux est mort peu de jours après son 65e anniversaire, à l’automne 1983. Il était dans sa dixième année de fonction et il avait annoncé son retrait du Conseil fédéral. Il était épuisé. Son cœur l’avait lâché durant une promenade un dimanche après-midi au Balmberg, dans son coin favori du Jura soleurois.

Willi Ritschard était un homme du peuple. Et un conseiller fédéral pour le peuple. Il n’était pas un homme d’État, c’était trop de distinction pour lui. Pour lui, dans la démocratie, l’État devait être populaire, pour reprendre un concept de l’ancienne social-démocratie allemande. «Un État qui n’est pas contre les citoyennes et citoyens mais qui est formé par les citoyens». Dans une déclaration, il avait déclaré en 1983: «Tous les citoyens doivent le déterminer ensemble et pouvoir compter sur lui. C’est une exigence élevée et pas facile à atteindre. Il ne doit pas y avoir de fossé entre l’État et les citoyens. La concrétisation de cet idéal doit rester un but essentiel de notre démocratie.»

Willi Ritschard fit tout pour rapprocher l’État fédéral des citoyens. Il devait devenir «l’expression d’une communauté». C’est pourquoi il tint de nombreuses causeries, préparées soigneusement, et fut aimé pour cela comme aucun autre politicien suisse. Il se voyait comme un pédagogue du peuple, qui voulait rendre aux hommes ce qu’il avait reçu comme orphelin et apprenti en formation, sans penser qu’il deviendrait secrétaire syndical, conseiller communal, député, conseiller national, conseiller d’État et enfin conseiller fédéral. «Celui qui sait quelque chose peut aussi changer quelque chose. Celui qui veut soigner la démocratie doit vouloir un peuple bien formé», disait Willi Ritschard pour expliquer son intérêt et son plaisir à se former.

Pour le centième anniversaire des syndicats suisses, il avait déclaré à ses collègues: «L’homme ne peut pas se réaliser seul. Les hommes libres ont une dimension sociale. Un citoyen apeuré n’est pas un homme libre. C’est pourquoi les syndicats doivent extirper la peur chez les travailleurs. L’État social doit partager la liberté dans l’équité.» Aux sociaux-démocrates, il disait peu avant sa mort: «Je sais que j’exige beaucoup des citoyens et de l’État. Mais la démocratie est une chose exigeante. Celui qui s’en réclame doit s’efforcer de remplir ces exigences. (...) Nous devons tous réapprendre qu’il n’y a pas de liberté dans la sphère privée. Seule la communauté peut la concrétiser, et nous devons le faire ensemble parce que nous voulons davantage de liberté.»

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Willi Ritschard était né le 28 septembre 1918 à Deitingen SO. Il était mort le 16 octobre 1983 durant une balade au Balmberg dans le Jura soleurois. Il avait suivi un apprentissage de monteur en chauffage. En 1943 déjà, il était élu conseiller communal à Luterbach SO, sa commune de domicile durant toute sa vie. En 1945, il devenait secrétaire syndical et député, en 1955 conseiller national, en 1964 conseiller d’État et de 1974 à sa mort conseiller fédéral, le seul ouvrier jusqu’à aujourd’hui à avoir été élu au Conseil fédéral.

«
La société démocratique n’est pas faite de telle façon qu’on accorde les mêmes droits à chacun. La société démocratique doit créer une vraie égalité (en français dans le texte), avec les mêmes chances dans la formation, la société et la qualité de vie. (...) Il ne suffit pas d’avoir des droits. Chacun doit les exercer de la même manière. (...) La société a besoin de citoyens responsables et conscients. (...) C’est le devoir de la communauté d’extirper la peur parmi les hommes jusqu’à obtenir une communauté de qualité. Les états démocratiques peuvent constituer de telles communautés. Un citoyen craintif n’est pas un citoyen libre.
»

Tiré de discours de Willi Ritschard donnés durant les années 1978, 1980 et 1983, publiés dans l’ouvrage de Frank A. Meyer Willi Ritschard, images et discours du conseiller fédéral, Zurich 1984, 192 p.


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