12. Mai 2018

Quotidien Jurassien

Mosaïque de la Démocratie

Fragment no 75

Démocratie signifie
davantage que bonne gestion



La démocratie fait actuellement l’objet de débats partout dans le monde. Même en Inde, la plus grande démocratie sur terre. Sur 1,35 milliard d’Indiens et Indiennes, 815 millions ont le droit de vote; cela fait plus d’électeurs et électrices que dans toute l’Union européenne, les USA et la Russie ensemble! Comme le Canada, les États-Unis ou la Suisse, l’Inde est un État fédéral qui englobe 29 États fédéraux et sept territoires de l’Union. Plus de 100 langues différentes sont parlées en Inde; les habitants observent quatre grandes religions, et quantité d’autres moins répandues.

Dans cet immense pays aux peuples multiples, toutes les élections devraient désormais avoir lieu simultanément au niveau national et fédéral, pour des périodes de cinq ans fixées à l’avance. «Le parti nationaliste de droite BJP veut ainsi détruire la démocratie», proteste la politologue Neera Chandhoke dans Hindu, le plus grand journal du sous-continent. «Cela empêcherait les citoyens d’évaluer leurs élus avec attention. Cela serait aussi contraire à l’esprit de la démocratie et du fédéralisme. Notre premier ministre Modi veut simplement gouverner tranquillement pendant cinq ans. Comme dans d’autres pays, il veut aussi remplacer la démocratie par le gouvernement; gouverner signifie avant tout gérer, mais la démocratie donne leur place aux citoyens et citoyennes. Nous voulons tous être bien gouvernés, mais pas aux dépens de la démocratie, sans laquelle il n’est pas possible de bien gouverner.»

Au niveau national et fédéral, l’Inde a adopté une démocratie représen­ta­tive basée sur le droit majoritaire britannique. Dans un tel système, la question de confiance envers le gouvernement peut toujours être soule­vée au Parlement. Si une majorité du Parlement refuse alors sa confian­ce au gouvernement, de nouvelles élections sont prévues. De ce fait, la tentative de concentrer et de fixer à l’avance toutes les élections serait un double démontage de la démocratie. D’une part, selon Neera Chanhoke, «cela permet à un gouvernement de continuer à gouverner de manière illégitime alors qu’il n’a plus la confiance du Parlement.» D’autre part, ajoute-t-elle, le système fédéraliste, la décentralisation du pouvoir et une grande autonomie régionale, fondamentale pour un pays aussi grand et diversifié que l’Inde, seraient remises en cause par la standardisation nationale des élections. Bilan de Neera Chanhoke: «Les Indiens per­de­raient ce qu’ils apprécient tant lors des élections: ce théâtre politique intense, la possibilité de remplacer sur la scène ceux qui nous ont la plupart du temps méprisés en ignorant nos demandes. Ceux qui pren­nent la démocratie au sérieux n’ont rien à objecter à de fréquentes élections. Les gouvernants qui veulent éliminer le risque électoral doivent accepter le reproche de vouloir ignorer les préoccupations de la majorité des gens.»

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Neera Chandhoke, née en 1947 à New Dehli, a enseigné pendant près de 30 ans comme professeur de sciences politiques à l’Université de Dehli et a dirigé le Centre de recherches des pays en développement.

«
La concentration de toutes les élections au niveau fédéral et national
à une date unique est contraire à l’esprit de la démocratie. (…) L’importance de la démocratie vient du fait qu’elle déclenche, encourage et approfondit le dialogue entre gouvernants et gouvernés.
Les élections sont des étapes décisives de ces discussions. Les citoyens peuvent y choisir leurs représentants, qui doivent se justifier de leur travail. Les élections assurent donc le lien nécessaire entre les intérêts des citoyens et la responsabilité des gouvernants.
»

Extrait de l’article de Neera Chandhoke Réunir toutes les élections est contraire à la logique de la démocratie, publié le 7 mai 2018 dans
The Indu, le plus grand quotidien indien avec un tirage
de 1,2 million d’exemplaires.


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