17.06.2002

L'Express

Identité entre intégration et exclusion

Arteplage du Jura: La Neuveville a accueilli
des sages, samedi, pour le deuxième volet
de sept débats et la première représentation
du «Cabaret d'avant-guerre»

Photo SP
Joseph Voyame, Smaranda Enache, François Lachat et Andreas Gross (de gauche à droite), quatre des principaux animateurs du débat sur la problèmatique identitaire.

Une fois créé, un Etat peut-il encore défendre son identité sans tomber dans le nationalisme? La question était au coeur du deuxième des sept débats organisés par l'arteplage du Jura, samedi, au large de La Neuveville. Réunis autour de Pascal Rebetez, trois sages avaient été conviés à disserter sur le problème identitaire: la Roumaine Smaranda Enache, Christian Lopez, de l'Entraide suisse, et le conseiller national jurassien François Lachat, avec la participation de Joseph Voyame et du conseiller national zurichois Andreas Gross.

Image nuancée

Smaranda Enache voit dans le patriotisme une attitude positive envers sa communauté et dans le nationalisme une hypertrophie du sentiment identitaire qui menace l'identité des autres. A l'issue des deux semaines qu'elle vient de passer dans le Jura, Smaranda Enache dégage une image nuancée. Elle a découvert un pays accueillant, mais décelé aussi des signes de rejets. Les drapeaux sont partout, signes d'appartenance mais aussi d'exclusion. Le Jura n'est pas le monolithe que l'on croit à l'extérieur. C'est un pays comme tous les autres, avec des gens ouverts et d'autres qui se réfugient dans le passé. Elle voit un danger dans les groupements qui voudraient confisquer le débat identitaire.

Ce débat n'est pas confisqué aujourd'hui, selon François Lachat. On a le droit de se poser la question de l'unité du Jura. Le nationalisme qu'il promeut est un nationalisme des valeurs. Mais le conseiller national jurassien estime inacceptable le slogan d'une affiche qui invite les «vrais Jurassiens» à se réunir à Saignelégier le 23 juin, sous-entendant que les «mauvais» participeront à la Journée cantonale à Neuchâtel. L'erreur d'un mouvement n'est pas l'erreur de tout le Jura, note le député. Toute révolution a ses post-révolutionnaires fait remarquer Joseph Voyame.

L'identité est une valeur, convient Smaranda Enache. Mais il faut la voir dans une dynamique. L'identité change. Elle n'est plus la même aujourd'hui qu'autrefois. Sensible à la montée d'un nationalisme porteur d'exclusion en Europe, notamment de l'Est, la Roumaine s'inquiète des mouvements qui voudraient pétrifier l'identité d'autrefois. L'identité est aussi un choix, note Smaranda Enache: on ne doit pas tout balancer ni tout garder en héritage. Christian Lopez, Chilien de mère irlandaise et habitant en Suisse, insiste: le canton du Jura s'est créé sur une identité positive et dynamique. Il faut que cette identité reste en mouvement, sinon elle devient un danger.

Corriger une injustice

Andreas Gross estime, lui, que le canton du Jura est né non pas d'un combat identitaire, mais d'une volonté de corriger une erreur et une injustice de l'histoire. Cette volonté a suscité un projet de société, projet qui n'a pas abouti et qui fait des déçus aujourd'hui. Il reste néanmoins de ce combat une culture politique qui pousse les Jurassiens à entreprendre quelque chose, rassure le Zurichois.



Andreas Gross

 

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