20. Jan. 2018
Quotidien Jurassien
Mosaïque de la Démocratie
Fragment no 59
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Comment les fausses vérités minent la démocratie
Le président des États-Unis Donald Trump a donné pendant ses vacances de fin d’année une interview spontanée de 30 minutes à son club privé de golf en Floride. Le New York Times (NYT) a dénombré 24 affirmations objectivement fausses et trompeuses du président. Au début de novembre 2017, des rédacteurs du Washington Post (WP) avaient même lu tous les discours, tweets et interviews de Trump, parvenant à un total de 1628 déclarations fausses ou trompeuses en 298 jours de présidence. Les 50 fausses déclarations qu’il a répétées jusqu’à 50 fois ont été comptées comme une seule. Les fans de Trump ont objecté que ce n’était rien de neuf, car tous les présidents auraient toujours menti. Une équipe de rédacteurs du NYT ont alors repris les discours et déclarations du président précédent, arrivant à un contraste frappant: pendant les dix premiers mois de son mandat présidentiel, Trump a menti 103 fois, c’est-à-dire six fois plus que Barack Obama (18 mensonges décelés) durant ses huit ans de présidence.
Que «la vérité se porte mal en politique», la philosophe américaine Hannah Ahrendt, d’origine allemande, l’avait déjà relevé en 1967. En 1986, le philosophe américain Harry G. Frankfurt a qualifié les menteurs en politique de «baratineurs»; ceux-ci sont particulièrement perfides parce que de nombreux auditeurs croient à tort que leurs mensonges sont faciles à reconnaître. Il y a quinze ans, on parlait de post-vérité. Il y a 13 ans, l’humoriste américain Stephen Colbert a créé le mot de l’année avec truthiness, équivalent de fausse vérité. Il voulait désigner ainsi un sentiment qui est vrai même s’il ne peut pas se fonder sur un fait réel. Trump est devenu l’incarnation des fake-news ou fausses nouvelles - 70 % de ses déclarations durant la campagne électorale en 2016 contenaient des contre-vérités ou mensonges: la post-vérité est devenue mot de l’année en Angleterre en 2016, année du Brexit.
La vérité est indispensable au règlement démocratique d’un conflit. Les efforts de compréhension sont inutiles lorsque l’on ne peut plus faire de distinction entre un fait réel et une opinion.
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Jakob Tanner, né en 1950 dans le canton de Lucerne, professeur d’histoire à l’Université de Zurich (1997-2015), membre de la Commission Bergier et l’un des spécialistes de l’histoire contemporaine les plus engagés de Suisse.
«
Le pouvoir ne vient plus du savoir, mais de la capacité à se jouer des faits. (...) Ce que racontent les baratineurs (notion créée en 1986 par le philosophe Harry G. Frankfurt), n’est pas nécessairement faux, mais trompeur. (...) A la différence du menteur, qui travestit la vérité, la rhétorique de la désinformation ne se pose plus la question de la vérité, mais s’occupe uniquement de l’influence politique de figures rhétoriques qui occultent la perception des problèmes indépendamment de leur contenu factuel et dirigent l’attention dans le sens désiré.
»
Extrait de Fakt ist ... Post-Truth-Politics und die Geschichtswissenschaft, paru dans Kuhn/Sontag/Leimgruber (ed.), Köln 2017.
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