19.8.2017

Quotidien Jurassien

Mosaïque de la Démocratie

Fragment no 39

Pain et liberté!


Ce que la Révolution française a apporté de nouveau et de spécial, c’est l’engagement et l’impulsion populaires. Cela a vraiment été une première mondiale. Le simple peuple s’est montré actif, il a participé, s’est dé­fen­du, s’est opposé aux anciens dominateurs comme aux nouveaux pou­voirs. La rue n’a jamais cessé de manifester sa pression, sans laquelle les rapports de pouvoir n’auraient pas pu être brisés et constamment remis en question.

Et ce qui était complètement nouveau même pour les hommes révo­lu­tion­nai­res de ce peuple français rebelle: beaucoup de leurs femmes ont également s’impliqués! Elles ont même été nombreuses à aller encore bien plus loin que les hommes engagés, car elles souffraient souvent plus directement de la misère ordinaire. Nombre de femmes ne voulaient plus être réduites à la pauvreté du ménage et du foyer. Elles se sont jointes aux mouvements sociaux, ont mis sur pied leurs propres mani­festations et protestations. Cela prenait la forme de révolutions dans la révolution.

Ces femmes révolutionnaires ont aussi pris au mot les meneurs de la révolution au-delà de leur volonté. Ainsi, Olympe de Gouges (cf. QJ du 10 décembre 2016) et Théroigne de Méricourt (QJ du 5 août 2017) ont refusé de considérer la liberté et la politique comme un privilège des hommes. Pour elles, il s’agissait de libérer tous les humains, les femmes comme les hommes, les Blancs comme les gens de couleur, les res­sor­tis­sants d’ici comme des colonies. Mary Wollestonecraft (voir QJ du 29 juillet 2017) a formulé les mêmes exigences pour la formation: qui prend la liberté au sérieux doit aussi reconnaître aux femmes l’accès à la for­ma­tion, sans laquelle la démocratie n’a pas d’avenir.

Ce sont aussi des femmes qui, en 1792 et 1793 à Paris, ont voulu davan­tage qu’une simple révolution bourgeoise. Elles voulaient surmonter non seulement la répression politique, mais aussi la misère et la pauvreté économique. Des femmes comme la modeste comédienne Claire La­com­be, qui, arrivée à Paris en 1792, n’a pas voulu non plus être seulement spectatrice mais aussi actrice du vrai drame. Elle s’est jointe aux Cor­de­liers, dont les femmes avaient manifesté dans les rues dès octobre 1789 pour un pain à prix abordable.

Dès juillet 1792, Claire Lacombe a pris la parole devant l’Assemblée na­tionale, affirmant qu’elle n’avait pas d’argent, mais qu’elle était prête, com­me bien d’autres femmes, à donner sa vie pour la défense de la ré­volution – mais beaucoup d’hommes voulaient tenir les femmes à l’écart de l’armée. En août, Claire Lacombe a pris part à l’assaut du palais du roi aux Tuileries en vue d’empêcher une capitulation précoce de la révo­lu­tion. (Voir QJ du 10 août 2017, p.7) Au printemps, elle se trouvait parmi les fondatrices d’un club purement féminin, la Société des républicaines révolutionnaires. Elles combattaient avant tout la pauvreté dans la popu­lation.

Claire Lacombe a déclaré ouvertement que «l’on doit aussi ressentir la liberté», par exemple en tant que libération de la pauvreté. Les femmes révolutionnaires, que leur misère rendait beaucoup plus radicales que bien des hommes, s’en prenaient même aux Jacobins: «Frappez ces agioteurs, ces égoïstes marchands. Il existe un complot affreux de faire mourir de faim le peuple en portant les denrées à un prix énorme. A la tête de ce complot est l’aristocratie mercantile, qui veut s’assimiler à la royauté...» Et face aux parlementaires, qui ont pensés que «les femmes sont plus faite pour adoucir les tyrans que pour les combattre» Claire Lacombe défend encore une fois les droits des femmes à la barre de la Convention: «Nos droits sont ceux du peuple, et si l’on nous opprime, nous saurons opposer la résistance à l’oppression.»

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Claire Lacombe, née le 4 mars 1765 à Pamiers (Ariège),
était comédienne avant de devenir militante révolutionnaire
et féministe à Paris. Elle est décédée après 1798, mais le lieu
et la date de sa mort ne sont pas connus.

«
Née avec le courage d'une Romaine et la haine des tyrans, je me tiendrais heureuse de contribuer à leur destruction. (...) Et vous, mères de famille, que je blâmerais de quitter vos enfants pour suivre mon exemple, pendant que je ferai mon devoir en combattant les ennemis de la patrie, remplissez le vôtre en inculquant à vos enfants les sentiments que tout Français doit avoir en naissant, l'amour de la liberté
et l'horreur des despotes.
»

Extrait d’un discours prononcé le 25 juillet 1792 (an 4 de la liberté) devant l’Assemblée nationale, à Paris, imprimé par ordre de l’Assemblée nationale (Gallica).


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