5. Mai 2017

Quotidien Jurassien

Mosaïque de la Démocratie

Fragment no 26

La démocratisation de l’Europe a commencé


Demain soir, il y aura beaucoup de perdants en France. Mais une gagnan­te est déjà connue aujourd’hui: l’Europe. Car l’Europe n’a jamais été au centre de la campagne électorale d’un membre important de l’UE comme durant les élections présidentielles qui se jouent demain en Fran­ce. Ces élections françaises n’ont jamais non plus été comme cette fois une affaire européenne. De la Finlande au Portugal, d’Athènes à Glas­gow, l’attention des 550 millions d’Européens et d’Européennes est fixée depuis des semaines sur Paris. Le Spiegel de Hambourg l’a lui aussi remarqué: «Tout d’un coup apparaît en Europe quelque chose sans quoi les communautés ne peuvent pas développer une conscience com­mu­nau­taire ni sans doute d’existence durable: un retentissement partagé, par-dessus les frontières, un concert de débats, de pensées et de sentiments.»

Certes, Marine Le Pen a posé il y a deux semaines le piège du réfé­ren­dum. Elle croyait pouvoir transformer le deuxième tour de scrutin en un référendum entre ouverture et repli, entre oui et non à l’Europe, entre souverainistes et internationalistes. Mais la majorité des Français n’est pas tombée dans le piège. Car Emmanuel Macron a fait sauter cette fausse polarisation il y a plusieurs semaines déjà en déclarant: «Nous avons confondu souverainisme et nationalisme. Je le dis: les vrais souverainistes sont les pro-Européens; l’Europe est notre chance pour recouvrer notre pleine souveraineté. (…) La souveraineté, c’est le libre exercice par une population de ses choix collectifs, sur son territoire. Et être souverain, c’est pouvoir agir efficacement.» Demain, l’Europe sera l’un des vainqueurs car, en France comme ailleurs, les gens sont toujours plus nombreux à reconnaître que ce piège est absurde et ne risquent plus d’y tomber.

L’économiste parisien Thomas Piketty a donné le principal coup d’envoi au débat sur la réforme de l’UE. Piketty est un des grand star, parce qu’il a su vendre de son ouvrage Le Capital au XXIe siècle, en trois années quelque 3 millions fois dans le monde. Il est aussi un des rares éco­no­mis­tes à comprendre ceci: «Si on veut mettre de la justice fiscale et so­ciale dans la construction européenne, il faut changer les règles actuel­les, il faut les démocratiser.» Piketty a publié avec trois collègues un fascicule pour la campagne électorale (Pour un traité de démocratisation de l’Europe, Seuil), qui voudrait transférer les compétences des ministres des finances de la zone euro à une assemblée des parlementaires na­tio­naux des mêmes pays. Le malheureux candidat du PS Benoît Hamon avait fait siennes les propositions de Piketty et les avait tant propagées pendant trois mois aux quatre coins de la France qu’Emmanuel Macron les soutient aussi aujourd’hui.

Mais le débat sur la réforme et la démocratisation de l’UE continue, au-delà des frontières françaises. C’est pourquoi il fait d’ores et déjà partie des vainqueurs de ces élections. Le fascicule de Piketty a été encarté dimanche dernier au Corriere de la Sera, il sera publié en Espagne et en Allemagne, traduit en portugais, néerlandais et catalan au cours des se­maines qui viennent. Piketty, dans une interview avec Libération: «Je ne suis pas près de m’arrêter à porter le débat de la démocratie europé­en­ne. Sans une réforme de l’Europe, le projet de Marine Le Pen continuera à prospérer.»

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Emmanuel Macron, né en 1977 à Amiens, est un homme politique français, ancien haut fonctionnaire et banquier d’affaires, membre
du Parti socialiste entre 2006 et 2009, nommé au cabinet du président Hollande en 2012 puis ministre de l’économie en 2014; en avril 2016,
il fonde son propre mouvement politique, En marche! (EM),
puis démissionne comme ministre. Candidat à l'élection présidentielle
de 2017, il recueille 24 % des suffrages au premier tour et pourrait être demain soir le nouveau président de la France.

«
Pour reprendre la maîtrise de notre destin, nous avons besoin
de l’Europe. (...) Dans l’histoire des constructions politiques, l’Europe
est jeune. Elle n’a que soixante-cinq ans, et pourtant, elle paraît déjà épuisée. (...) La promesse de paix est fragilisée. (...) La promesse de prospérité est trahie (...) La promesse de liberté est affaiblie. (...)
Il faut donc reprendre l’Europe à son origine. Il faut la refonder. (...)
Cette entreprise ne se fera que si nous remettons la démocratie au cœur de notre action. (...) Je propose le lancement, à l’automne 2017, des conventions démocratiques. Pendant six à dix mois, dans chaque État, (...) serait organisé un débat européen sur le contenu de l’action de l’Union (...) et pour développer un 'Projet pour l’Europe'.
»

Extraits du dernier chapitre du livre Révolution, que Macron a publié
en novembre 2016 chez XO-Editions.


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