18.03.2017


Le Quoditien jurassien

Mosaïque de la démocratie

Fragment no 19

La démocratisation de l’UE a commencé


Les réactions n’ont pas manqué. Et elles vont plus loin que les objectifs peu inspirateurs du livre blanc que la Commission de l’Union européenne a présenté début mars. Exactement comme le commentaire d’un mem­bre bruntrutain du Rotary Club du Jura, la semaine dernière à la Caque­rel­le, où l’horizon est justement large, clair et stimulant: «Comme cela l’Europe n’avancera pas du tout. Elle doit se donner une nouvelle forme, démocratique et donc fédéraliste, si elle veut rester unie et faire de nou­veaux progrès.» Il réagissait aussi au constat de l’ancien ministre fran­çais des affaires étrangères Hubert Védrine, pour qui l’UE a peu à peu confisqué et par conséquence étouffé la démocratie (voir la Mosaïque de la démocratie dans le QJ du 11.3.2017).

Tous n’en sont pas encore conscients, bien sûr. Ainsi, les dirigeants des quatre plus grands pays membres de l’UE – Allemagne, France, Italie et Espagne – se sont montrés plus autocrates que démocrates. Sans même attendre la discussion ouverte par la Commission, ils se sont fixés sans autre réflexion sur la forme future de l’UE: une UE à plusieurs degrés et vitesses d’intégration. Mme Merkel n’a pas osé reconnaître que cela signifierait de toute évidence la «diversité dans la discorde», sous la direction autoritaire des chefs de gouvernements.

D’autres Européens sont déjà plus avancés. Ainsi, le rédacteur en chef de la Libération a écrit il y a une semaine un éditorial sur les propositions du candidat présidentiel socialiste Benoît Hamon: «Il a le grand mérite de proposer une démocratisation qui fait tant défaut à l’Union». Hamon pro­pose «une assemblée parlementaire composée de représentants des Parlements nationaux, qui aurait les pleins pouvoirs dans les 19 pays de la monnaie unique, au détriment des ministres et de la Commission.» Ainsi Le Monde cite (10 mars 2017) l’économiste français vedette Tho­mas Piketty, chargé du programme européen de Benoît Hamon: «Il faut mettre fin au statu quo, alors qu’il y a un risque d’explosion de l’Union».

Cette hypothèse est aussi partagée par de nombreux sociaux-démo­cra­tes allemands. Quatre d’eux ont plaidé, selon la devise Equilibre au lieu d’austérité pour la transformation de l’UE en une Union solidaire. Ils se sont opposés au contrôle, mis en place ces dernières années, des bud­gets nationaux par la Commission et le Conseil des ministres de l’UE. Ce système mine selon eux le droit budgétaire, privilège d’un parlement et réduit la démocratie parlementaire à une coquille vide.

Reaction du professeur de droit Andreas Fisahn, de Bielefeld (Alle­mag­ne), à cet appel: «Sans correction de la misère démocratique de l’UE, la tentative de mener une autre politique économique et sociale dans l’UE est condamnée à l’échec» (Blätter für deutsche und internationale Politik, Nr3/2017). Conclusion du professeur Fisahn: «Un véritable renversement éco-social dans l’UE doit plutôt s’accompagner d’une démocratisation en profondeur». Et, renouant avec les exhortations répétées d’Altiero Spi­nel­li, pionnier italien de la construction européenne, Fisahn écrit: «Un gou­vernement économique autoritaire et la politique d’austérité sont les deux faces d’une seule médaille (…), la seconde peut seulement être rem­pla­cée dans le cadre d’une transformation globale. Toutefois, la conception générale d’une démocratie européenne, incluant la démocratie éco­no­mique, fait encore défaut.»



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Altiero Spinelli (1907-1986), journaliste et homme politique italien partisan du fédéralisme, a été membre de la Commission européenne dans les années 1970. Comme député européen, il a rédigé un projet
de constitution européenne en 1984.

«
Le mouvement européen, le Parlement européen, certains partis politiques et mêmes des gouvernements insistent pour que les institutions européennes prennent la forme d’un Etat fédéral. Longtemps, la Commission n’a voulu ni accepter ni refuser ces propositions. Elle s’est contentée de les ignorer. Cela a changé à fin janvier 1965. (…) Mais ces changements nous placeront une nouvelle fois face au défi de créer
une véritable démocratie européenne commune.
»

(Extraits de l’épilogue Moment de vérité pour les eurocrates de l’ouvrage d’Altiero Spinelli The Eurocrats, Conflict and Crises in the European Community, John Hopkins Press, Baltimore (ML, USA),
1966, p. 203-208).



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