14. Jan. 2017
Le Quoditien Jurassien
Mosaïque de la démocratie
(Fragment 10)
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Les conséquences de la stagnation
Il y a cent ans, la Suisse était à l’avant-garde de la démocratie. Grâce aux acquis du quatre révolutions du 19e siècle. Aujourd’hui les citoyens et citoyennes n’ont plus les droits populaires qu’ils ont besoin. La cause: La stagnation du processus de la démocratisation de la démocratie dans les dernière 50 ans.
La première révolution a été la seule imposée de l’extérieur: les troupes de Napoléon ont pris une part décisive à la chute de l’ancienne Confédération, à la libération de nombreuses personnes et régions et à l’avènement de la République helvétique. La deuxième révolution, libérale, a mis un terme dans des cantons importants à la domination des conservateurs. Elle l’a remplacée par des démocraties représentatives et a institué dans des constitutions cantonales approuvées par le peuple les premiers droits fondamentaux en Suisse. La troisième révolution de 1847/48 a réussi aussi grâce à l’engagement de centaines de milliers d’autres Européens. Ils ont empêché le prince conservateur Metternich d’entraver, avec le concours de l’armée prussienne, l’évolution libérale-radicale en Suisse et la création de l’Etat fédéral, première démocratie durable en Europe. Par la quatrième révolution, les paysans, artisans et ouvriers négligés par les libéraux ont transformés la Suisse, grâce à de puissants mouvements civiques alliés aux catholiques-conservateurs, entre 1865 et 1890 en une démocratie directe. Celle-ci a été la première au monde à adopter le référendum législatif facultatif (1874) et le droit d’initiative constitutionnel (1891) sur le niveau fédéral.
Au 20ème siècle, le perfectionnement des droits démocratiques a piétiné, à l’exception du droit de vote des femmes, tardivement acquis, et le développement du référendum sur les traités internationaux. Le Conseil fédéral et les majorités parlementaires ont perdu leur élan favorable au démocratisation de la démocratie. Et d’en-bas, la pression révolutionnaire nécessaire était trop faible.
En conséquence, l’introduction de l’initiative législative fédérale a échoué plusieurs fois durant les dernières décennies, tout comme celle du référendum constructif en l’an 2000. Ce dernier permettrait à 50'000 citoyens et citoyennes non seulement de contester une loi approuvée par les Chambres fédérales, mais de mettre au vote un texte alternatif. Le référendum constructif (RC) - ou avec projet populaire comme dans le canton de Berne – relie donc le référendum ordinaire à l’initiative législative.
Si la Suisse avait le RC, l’UDC en aurait pu opposer un à la loi du décembre passé d’application du contrôle de l’immigration approuvé le 9 février 2014 par une petite majorité de votants. Elle aurait associé son rejet à un article avec le contingentement de l’immigration. Ainsi, la votation populaire aurait opposé une variante compatible avec les accords bilatéraux à une autre, contraire aux libertés fondamentales de l’UE. Comme cela, les décisions des Chambres fédérales auraient pu être soumises au peuple sans le référendum á contre sens du Tessinois Nenad Stojanovic (QJ du 7.1.2017, p. 16). Ce dernier entend recueillir des signatures malgré son approbation des décisions du Parlement et des accords bilatéraux avec l’UE – attitude jugée farfelue par le président du PS Christian Levrat (Le Temps, 7.1.2017).
Cet exemple montre que des améliorations apportées à temps à la démocratie directe peuvent éviter bien des ennuis, colères et prises de distance avec l’Etat et les compatriotes. Encore faut-il que les privilégiés, en l’occurrence les parlementaires, acceptent – comme toujours depuis 1798 - de partager leurs avantages, de renoncer à leurs droits (législatifs) exclusifs et de partager leur liberté d’action avec tous ceux qui souhaiteraient en faire usage.
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Jean-Claude Rennwald de Courrendlin, né en 1953 à Bassecourt,
est comme politologue, journaliste, militant socialiste et syndicaliste,
ancien député dans le Parlement jurassien (1994/95) et dans le Conseil National (1995-2011) bien connu aux lecteurs du QJ:
«Le referendum constructif vise à conforter, à améliorer,
à développer l'exercice des droits populaires et de la démocratie directe. Il a au moins deux grands mérites: en premier lieu il permet de répondre à un certain nombre de lacunes dans l’exercice de nos droits populaires, notamment lorsqu’on est en présence d’une loi qui contient des éléments positifs et négatifs. (...) La deuxième mérite dans le cadre du processus d’intégration européenne dans la mesure ou l on sait que l’UE offre
à ses Etats membres une certaine marge de manœuvre
quant a la transposition du droit supérieur (...).»
Extrait du discours de Jean-Claude Rennwald pour le Referendum Constructif dans la séance du 22 mars 2000 du Conseil National à Bern.
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