5. Nov. 2016

Le Quoditien jurassien


Mosaïque de la démocratie

(Fragment 1)

La démocratie est en crise


Par Andreas Gross

La démocratie se porte mal. Partout dans le monde, et même en Suisse. Chez nous aussi, beaucoup de gens ont l’impression que les résultats des votations populaires dépendent davantage de l’argent que des meilleurs arguments.

Si le diagnostic de la crise est incontesté, son caractère est particulier. Contrairement à la situation d’il y a une cinquantaine d’années, plus personne ne remet en cause la démocratie comme meilleure forme de gouvernement. Personne ne doute de sa valeur fondamentale pour un régime politique équilibré. C’est devenu l’unique source légitime du pouvoir politique. Même des tyrans ne croient plus pouvoir renoncer à l’apparence de la démocratie et se font aujourd’hui passer pour démocrates.

Mais alors qu’il n’y a jamais eu autant de démocraties au monde et que plus personne ne conteste leur importance pour un pouvoir politique légitime, jamais autant de personnes dans le monde entier n’ont été déçues de la qualité de la démocratie dans laquelle elles vivent.

L’une des deux principales exigences démocratiques est par exemple de permettre aux citoyens et citoyennes qui y vivent d’être libres et de pouvoir aménager, d’entente avec d’autres personnes libres, les bases de leur vie. En second lieu, toutes les personnes touchées par une décision devraient pouvoir, dans une démocratie, participer directement ou indirectement au processus de décision. En démocratie, la vie n’est pas qu’une fatalité. Pourtant, qui a aujourd’hui le sentiment de pouvoir réellement influencer les bases de son existence? N’est-ce pas bien davantage l’économie qui détermine aujourd’hui l’essentiel de notre destin, tout comme la plupart des gens le croyaient du bon Dieu il y a 500 ans?

La crise de la démocratie se manifeste aussi dans le fait que nous man­quons d’une conception commune de ce terme. Les citoyens et citoy­en­nes comprennent par là des choses très différentes. C’est pourquoi il est si difficile d’indiquer des voies pour surmonter la crise de la démocratie. Car seuls les démocrates eux-mêmes, hommes et femmes, y par­vien­dront. Mais s’ils n’ont pas de compréhension commune de la démocratie, s’ils ne savent pas ce qui importe vraiment dans une démocratie, ils ne peuvent pas non plus la défendre, encore moins la développer, la restaurer, la raffermir.

C’est pourtant ce thème que nous allons analyser ici dans les prochains mois. Les divers éléments qui constituent la démocratie seront clarifiés. Pour moi, la démocratie est une œuvre globale analogue à une mosaïque formée d’au moins 250 pièces de grandeurs et de formes diverses. Ce n’est pas seulement la force de chaque pièce qui fait la qualité de la dé­mo­cratie, mais les relations et rapports entre elles. Si nous pouvons nous mettre d’accord là-dessus, nous verrons aussi ce que nous pou­vons faire ensemble pour surmonter la crise de la démocratie.

Chez nous comme ailleurs.



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Abraham Lincoln (1809-1865)
«C’est à nous les vivants de nous vouer à l’œuvre inachevée que d’autres ont si noblement entreprise. C’est à nous de nous consacrer plus encore à la cause pour laquelle ils ont offert le suprême sacrifice (...) à nous de vouloir que (...) notre pays renaisse dans la liberté; à nous de décider que le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple, ne disparaîtra jamais de la surface de la terre.»

La fin de l’adresse du Président Abraham Lincoln le 19 novembre 1863, quand il a inauguré le Cimetière Militaire de Gettysburg en Pennsylvanie pour les 51'000 victimes d’ une des plus grandes bataille de la guerre civile américaine, décrit par Lincoln dans le même discours, comme «une guerre pour la liberté, l'égalité et contre l'esclavage». (Traduction de l’historien André Kaspi pour France Inter.)


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