20 mars 2015

Le Temps
Opinion

Persécuté, abandonné de tous, Snowden doit recevoir l’asile politique en Suisse!


La Suisse doit avoir le courage d’offrir l’asile à Edward Snowden, l’homme qui a révélé au monde le système de surveillance généralisée mis sur pied par le renseignement américain, estime le conseiller national Andreas Gross (PS/ZH).

Dans les villages allemands, on peut lire très souvent, sur des affiches placardées aux fenêtres des maisons: «I have a bed for Ed» (J’ai un lit pour Ed!). Dans les grands médias comme le New York Times ou le Guardian, on lit en une: «Grâce pour Snowden!» Des centaines de parlementaires de plus de cent pays estiment qu’Edward Snowden, jeune technicien et ingénieur comme il se décrit, mérite l’asile dans leur pays.

Mais le seul lit qu’ait trouvé ce jeune Américain de 31 ans après sa longue odyssée se trouve à Moscou. Il ne s’y sent pas particulièrement bienvenu. On l’accueille davantage comme pied de nez ambulant dans une guerre entre deux superpuissances qui se haïssent. Ainsi Snowden a-t-il demandé l’asile dans 21 pays. Quelques-uns ont ignoré sa demande, la majorité a refusé pour des motifs divers, principalement par crainte de tensions et représailles de la part des États-Unis. Les autorités américaines ont annulé son passeport, demandent son extradition et aimeraient le punir sévèrement.

Sur ses motivations, Snowden explique: «Je devenais conscient que j’étais devenu une partie d’une organisation qui produit plus de dégâts que d’avantages. Je n’aimerais pas vivre dans un monde dans lequel tout ce que je fais et dis est enregistré.» Snowden a décidé de devenir un lanceur d’alerte qui donne la priorité à l’intérêt général mondial face à l’intérêt illégal et anticonstitutionnel des agences du renseignement américain qui cherchent à surveiller le plus de monde possible.

Le «crime» d’Edward Snowden est d’avoir fait passer l’intérêt général, celui de millions d’êtres humains sur la planète entière, avant l’intérêt de son employeur. Ses révélations – la publication de 1,7 million de documents contenant des conversations téléphoniques et des données échangées entre ordinateurs de millions de citoyens américains et du reste du monde, ainsi que des dizaines de membres de gouvernements et d’institutions – ont stupéfait le monde. Il a révélé que les agences gouvernementales ignorent massivement les droits fondamentaux de citoyens protégés par la Constitution américaine. Jamais nous n’aurions pu imaginer qu’un tel contrôle planétaire était possible, et réalisé servilement par des grands groupes de communication comme Google, Facebook, Yahoo ou autres.

Au Conseil de l’Europe, la réaction a été claire. Sa commission des affaires juridiques constate: «Les donneurs d’alerte restent pour les citoyens un moyen indispensable de connaître en dernier ressort les défaillances de l’obligation de rendre des comptes à l’échelon local, régional, national voire international. Les fichiers Snowden ont révélé le manque criant de transparence et l’obligation démocratique de rendre des comptes au cours des différentes étapes de la procédure d’adoption et de la mise en œuvre de la législation (lorsqu’elle existe) qui autorise les services de l’État à mener des opérations massives de surveillance.» Et son rapporteur ajoute: &öaquo;Nous considérons que les mesures de protection des donneurs d’alerte devraient viser l’ensemble des personnes concernées qui dénoncent les actes répréhensibles susceptibles de violer les droits des autres individus garantis par la Convention européenne des droits de l’homme.»

Concernant Snowden lui-même, la haut-commissaire des Nations unies aux droits de l’homme, Madame Navi Pillay, l’a remercié d’avoir lancé un débat planétaire sur les pouvoirs de surveillance des états. Elle a déclaré: «il nous a rendu un immense service en révélant ces informations» et a conclu: «les personnes qui révèlent ces violations des droits de l’homme devraient être protégées, car nous avons besoin d’elles!»

Aux États-Unis, Edward Snowden demeure sous la menace de poursuites très lourdes engagées au titre des dispositions de la loi relative à l’espionnage et pourrait être condamné à perpétuité, sans possibilité de libération anticipée. La loi en question a été adoptée en 1917, utilisée seulement trois fois entre 1917 et 1985, mais douze fois depuis l’entrée en fonction du président Obama pour sanctionner les auteurs de fuites organisées au profit des médias traditionnels. Parmi celles-ci figurent les poursuites à l’encontre des donneurs d’alerte de la NSA, entre autres le soldat Chelsea (anciennement Bradley) Manning, qui a divulgué de nombreux documents par l’intermédiaire de Wikileaks et qui a été condamné à 35 ans de prison. Cette loi de 1917 ne permet pas de soulever la moindre forme d’exception au bénéfice de Snowden.

En me basant sur la Convention de Genève sur les réfugiés de 1951 et la loi d’asile suisse je constate qu’Edward Snowden est menacé, lâché par son pays d’origine, persécuté parce qu’il a suivi sa conscience au détriment de la loi, déloyal envers son employeur afin de servir la cause de millions de gens. Aussi mérite-t-il un statut de réfugié en Suisse, quand bien même cette dernière prend en conséquence le risque d’avoir des problèmes avec les États-Unis. Mais entre des nations amies, les conflits doivent être possibles et surmontables, surtout quand la cause engagée sert l’intérêt du monde, exprime l’esprit de la Constitution des États-Unis et protège les droits humains tout comme les libertés des Américains.


Kontakt mit Andreas Gross



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