20 mai 2014

Le Temps

Les élections européennes
sont aussi une affaire suisse



Andi Gross

Lorsque 550 millions d’Européens élisent les autorités qui décideront de leurs conditions de vie, cela nous concerne aussi, les 7 millions et demi de Suisses, estime Andi Gross, conseiller national (PS/ZH).

Actuellement, il n’existe pas un seul problème fondamental que les 7 millions et demi de Suisses puissent mieux maîtriser seuls qu’en collaborant avec les 550 millions d’Européens qui les entourent. Ils vivraient très bien sans nous. Mais nous ne serions rien sans eux. C’est pourquoi, lorsqu’ils élisent les autorités qui décideront de leurs conditions de vie, qui sont également les nôtres, cela nous concerne aussi.

Les problèmes essentiels de notre temps n’ont pas un caractère ré¬gional, ni même national. Ils sont continentaux, voire transcontinentaux, c’est-à-dire mondiaux. Quand les autres sont dans la détresse, nous ne pouvons pas trouver la paix. Quand les autres vont mal, nous ne pouvons pas aller bien. Quand ils empoisonnent l’air, nous étouffons aussi. S’ils réchauffent l’atmosphère, ce sont nos glaciers qui fondent. Les tempêtes et les intempéries ne s’arrêtent pas à nos frontières. Si les autres utilisent trop leurs voitures ou leurs camions, au lieu de se tourner vers le train ou le tram comme nous le faisons si intelligemment, leurs véhiculent traversent la Suisse aussi. Si les autres sont trop bruyants, nous ne pouvons ni dormir, ni travailler. Si les autres se battent, ceux qui réussissent à s’enfuir viennent se réfugier chez nous.

Nous vivons ensemble, les uns à côté des autres, les uns grâce aux autres. Seuls, nous serions tranquilles, mais nous mènerions une existence stérile. Sans les autres, nous ne trouverions pas ce dont nous avons besoin pour subsister. Nous pouvons produire parce qu’ils nous livrent les matières premières nécessaires. Nous pouvons vendre nos produits parce qu’ils veulent bien les acheter. Seule, la Suisse donnerait trop peu et prendrait trop peu.

Il y a plusieurs siècles, les autres, c’était ceux du village voisin dans la même vallée. Plus tard, les habitants de la vallée ont commencé à s’entendre, et les autres, c’était ceux qui habitaient derrière la chaîne de collines, ou de montagnes, ceux de l’autre rive. Il y a 150 ans, les régions se sont fédérées et les autres vivaient désormais dans d’autres Etats et d’autres pays.

Aujourd’hui, l’Europe compte encore presque 50 pays différents, des centaines de régions, des milliers de villes, et des dizaines de milliers de villages qui abritent plus de 800 millions de personnes, dont 1 % vit en Suisse. Pourtant, il n’y a presque plus d’autres dans cette Europe. La plupart aspirent au même bonheur. Ils souhaitent tous la même chose, pour eux-mêmes et pour ceux qu’ils aiment. Ils partagent les mêmes angoisses, ressentent les mêmes espoirs, craignent les mêmes démons, espèrent les mêmes bienfaits. Ils vivent ensemble, les uns à côté des autres, les uns grâce aux autres. Chacun est différent, car chacun de nous est unique. Mais plus personne n’est tout à fait différent. En Europe, aujourd’hui, l’autre n’existe plus.

Les Suisses ont commencé, il y a 150 ans déjà, à se rendre utiles aux autres. Ils savaient prendre et donner. Surtout lorsque les autres se menaçaient et se détruisaient entre eux. Ainsi avons-nous pu survivre par trois fois, seuls bien qu’au service de tous. Et personne ne nous cherchait des noises, car chacun avait quelque chose de nous et pour nous.

A cette époque, les autres ont tout perdu, parfois par deux fois, voire par trois fois. Ils ont appris à se fédérer et à préserver ensemble ce que personne ne peut conserver seul, ni en se dressant les uns contre les autres. En 1949, ils ont voulu faire exactement ce que nous avions fait en 1848. A l’aide d’une Constitution fédérale, démocratiquement ancrée. Mais à l’époque, cela leur a été impossible. C’est pourquoi ils disposent de traités, et non d’une Constitution; c’est pourquoi ce sont les gouvernements qui donnent le ton, et non les citoyens; c’est pourquoi l’économie est profondément intégrée tandis que la démocratie et la politique sont restées en arrière. Mais parce que leur Union a objectivement noué avec le succès, ils ont depuis oublié qu’à l’origine ils avaient tenté de lui donner une autre forme, meilleure.

Mais nous avons cru que, parce que nous avons apparemment survécu seuls et indemnes pendant longtemps, nous pourrions mieux vivre seuls à l’avenir aussi. En eux, nous continuons à voir des autres et ne remarquons pas à quel point ils sont devenus comme nous. Certes aussi différents entre eux que nous, mais pas autres. Et que, sans eux, nous ne pouvons rien faire, mais que nous pouvons mieux réussir ensemble.

Aujourd’hui, beaucoup d’entre eux reconnaissent les problèmes liés à la conception de leur Union. Son fondement, le traité, est trop faible et donne trop de pouvoir aux gouvernements, leur permettant de régner pratiquement sans leurs citoyens et citoyennes. Cela renforce la domination de l’économie et des marchés et affaiblit la politique.

Nous l’avons remarqué, mais de nombreux Européens aussi. Et si ces citoyens et citoyennes élisent dans ce Parlement européen renforcé des démocrates qui amélioreront la forme de l’Europe, qui constitueront et fédéraliseront l’Union rendant ainsi aux citoyens le pouvoir que ces derniers ne rencontrent plus sur le seul plan national, alors nous pouvons aussi admettre que c’est ensemble que l’on trouvera ce qui appartient à tous.

Sans le Parlement européen, on ne pourra pas démocratiser, ni fédéraliser l’Union européenne. Il doit déterminer la convention qui élaborera la Constitution adéquate et qui la soumettra à la décision des Européens. Ce n’est qu’ainsi que l’Union européenne se muera en démocratie, ce qui la rendra plus forte. Et ce n’est qu’ainsi que la démocratie deviendra ce pouvoir transnational dont ils – c’est-à-dire nous tous – ont besoin pour civiliser les marchés.

Et de cette manière, les Suisses se rapprocheront de l’Europe parce qu’ils pourront s’y reconnaître à nouveau. Et ils remarqueront que les Européens sont seulement différents et non plus autres. Et qu’ensemble, nous pourrons mieux régler nos problèmes fondamentaux que sans eux ou même contre eux. C’est pourquoi il est également important pour les Suisses de savoir qui sera élu au Parlement européen le 25 mai. Car nous vivons ensemble, les uns à côté des autres, les uns grâce aux autres.


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